Potentiel à libérer

Pour diversifier l’économie nationale, une stratégie de relance des activités de transformation est en cours d’élaboration.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

S’agit-il d’un retour aux années 1970, une époque où, sous l’impulsion de Belaïd Abdessalam, le ministre de l’Économie et des Finances du président Houari Boumedienne, l’Algérie avait fondé son développement sur la stratégie dite de l’industrie industrialisante ? Conscient de l’inévitable tarissement des revenus tirés des hydrocarbures (97 % des exportations en 2006), le président Abdelaziz Bouteflika avait, durant la campagne électorale pour la présidentielle d’avril 2004, promis la relance de l’industrie : « Seuls un relèvement du poids de l’industrie dans la production nationale et la promotion des exportations hors hydrocarbures permettront de diminuer la vulnérabilité de notre économie. » L’objectif est donc de préparer le pays aux chocs de l’après-pétrole.
En 2005, il charge Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, de lui proposer une stratégie industrielle. Le choix n’est pas fortuit. Temmar fait partie du cercle des hommes de confiance du président. Il a été son directeur de cabinet en 1963, quand Abdelaziz Bouteflika était ministre de la Jeunesse. C’est dire l’importance de ce dossier aux yeux du chef de l’État. Durant dix-huit mois, Temmar épluche les dossiers, rencontre les organisations patronales et syndicales, consulte des chefs d’entreprises publiques et des universitaires pour préparer un document intitulé : « Stratégie et politiques de relance industrielle ». La stratégie proposée par le ministre s’articule autour de l’identification des filières prioritaires : pétrochimie, pharmacie, agroalimentaire, électronique et mécanique. Deux autres, automobile et technologies de l’information, restent à « inventer ».
« Ce choix n’est pas exclusif, explique Abdelhamid Temmar. Il est motivé par le besoin d’une croissance forte et durable, et ces secteurs ont la particularité d’être structurants et créateurs d’emplois. » Outre l’identification des filières, le ministre des Participations et de la Promotion des investissements suggère une répartition géographique, avec la localisation de « zones candidates » à la mise en place de la stratégie. Les critères de sélection tournent autour de la disponibilité des infrastructures et des services. Les régions d’Alger, de Blida et de Tizi-Ouzou au centre du pays, de Mostaganem et d’Oran à l’Ouest, d’Annaba et de Sétif à l’Est, ainsi que de Ghardaïa et Hassi R’mel au Sud, figurent parmi les heureuses élues. à ces neuf grandes zones industrielles s’ajoutent trois technopoles : Sidi Abdallah pour les technologies de l’information et de la communication, Bejaïa pour l’agroalimentaire, et Sidi Bel-Abbès pour l’industrie électronique. La stratégie élaborée préconise un appui à l’innovation et l’amélioration des capacités en matière d’intelligence économique. L’auteur du document estime que le temps nécessaire à la mise en place et l’entrée effective de la stratégie de relance industrielle nécessitent un effort soutenu sur vingt ans. « Il y va de notre intégration dans le processus de mondialisation, assure Abdelhamid Temmar, et notre survie dépendra de notre compétitivité et de notre complémentarité avec les économies de la sous-région : le Maghreb et la rive sud de l’Europe. D’où l’obligation d’associer tous les acteurs de la sphère socio-économique et d’obtenir un consensus autour d’une démarche volontariste.
La mouture élaborée par Abdelhamid Temmar a fait l’objet de cinq sessions du Conseil du gouvernement, avant d’être soumise à des « états généraux de l’industrie » organisés, le 26 février 2007, au Palais des nations du Club des pins, station balnéaire algéroise. Ces assises regroupent près de 800 participants, représentant tous les secteurs d’activité, publics ou privés, nationaux et consultants étrangers. Durant trois jours, les intervenants tentent d’enrichir un texte qui en avait manifestement besoin, au vu de l’ambition de son auteur : faire passer l’Algérie du statut de pays exportateur de produits primaires vers celui de producteur et exportateur de biens transformés, à technologie plus élaborée donc à plus forte valeur ajoutée. Outre le règlement de questions pendantes – comme celle du foncier -, l’adaptation de la législation et l’adoption de mesures incitatives à l’investissement direct étranger (IDE, voir page XX) – comme celle qui consiste à réserver des zones résidentielles dédiées exclusivement aux investisseurs étrangers -, la clé de la réussite de cette stratégie tient à l’amélioration de la performance des relations entre l’université et l’entreprise. Abdelhamid Temmar n’hésite pas à relever la nécessité de faire appel aux compétences de la diaspora, alors que cette dernière n’est, semble-t-il, pas en odeur de sainteté.
La mise en uvre d’une telle stratégie a un coût. Et le patronat exige la clarification des modalités de financement de la stratégie. Qui paie quoi ? Quelle part pour les pouvoirs publics ? À quand un marché financier digne de ce nom où l’on pourra lever des financements ?
S’agissant d’une démarche émanant du pouvoir, donc de l’État, les opérateurs privés redoutent-ils le retour à une économie fortement régulée ? Paradoxalement, leur crainte se situe ailleurs. Ils nourrissent des appréhensions vis-à-vis d’une trop grande ouverture économique. Le volet consacré aux IDE a soulevé un débat passionné entre les experts gouvernementaux et Réda Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprises (FCE). Selon ce dernier, outre les engagements internationaux de l’Algérie (adhésion annoncée à l’Organisation mondiale du commerce, entrée en vigueur de l’accord d’association avec l’Union européenne), l’encouragement des IDE préconisé par le pouvoir menace, à terme, les entreprises locales qui ont besoin de protection. Le patriotisme économique agité comme un chiffon rouge sous le nez d’un pouvoir dont la sensibilité nationaliste n’est plus à démontrer On aura tout vu ! L’argument avancé par le privé national ? « Compte tenu de son aisance en matière de trésorerie (78 milliards de dollars en réserves de change au 31 décembre 2006), le pays a plus besoin d’une mise à niveau de son secteur industriel que d’un apport financier qui pourrait s’avérer prédateur. » Ce débat, dans lequel patrons et syndicats ont trouvé une position commune face au gouvernement, n’enlève rien au mérite du document que propose Temmar : placer au cur de tout projet industriel le développement des ressources humaines, d’une part, et accorder un rôle central à l’innovation et à la recherche fondamentale et appliquée, d’autre part. Bref, inciter l’université et l’entreprise à travailler en harmonie.

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