« Mettre nos atouts en avant »

Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, entend faire de l’industrie le secteur phare de l’économie.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 6 minutes.

Abdelhamid Temmar est bardé de diplômes. Major de la première promotion de l’École des cadres de la nation, ancien professeur et doyen de la Faculté de droit et de sciences économiques de l’université d’Alger, premier docteur d’État ès sciences économiques (université de Paris), il est également titulaire d’un PhD obtenu à l’université de Londres. Ministre, puis conseiller à la présidence au cours des huit dernières années, il est aujourd’hui à la tête du ministère des Participations et de la Promotion des investissements. Dans cet entretien, il passe en revue la nouvelle stratégie industrielle qu’il vient de soumettre au gouvernement ainsi qu’aux partenaires économiques et sociaux.

Jeune Afrique : Quelles sont les grandes lignes de votre nouvelle stratégie industrielle, dont la mise en uvre va débuter en 2007 ?
Abdelhamid Temmar : L’objectif est de mettre fin au processus de désindustrialisation qui a résulté à la fois du mode de gestion administrée et des effets de l’ajustement structurel. Les politiques industrielles ont changé un peu partout dans le monde. Dans les années 1960 et 1970, le choix des secteurs et le niveau des investissements s’y rapportant étaient des aspects importants. Actuellement, la mise en uvre est tout aussi prépondérante.
La stratégie industrielle s’appuie sur une connaissance approfondie de l’économie nationale, de son environnement international et, particulièrement, de l’expérience des pays. Elle vise à exploiter les opportunités offertes par ce que nous appelons la « nouvelle frontière ». Les relations Nord-Sud ont changé depuis quelques décennies. On pensait dans les années 1950 et 1960 que la frontière entre le Nord et le Sud était établie une fois pour toutes et qu’elle était étanche en ce sens que le développement des uns et le sous-développement des autres étaient liés. L’expérience des pays asiatiques a prouvé que ce n’était pas vrai. L’Algérie veut saisir les nouvelles opportunités pour s’approprier la technologie, l’innovation, le savoir, le management, etc. Cela ne va pas de soi et suppose que toute la nation s’y prépare : approfondissement des réformes structurelles, mise à niveau des entreprises et de l’administration, concertation de toutes les parties prenantes (secteurs public et privé, systèmes bancaire et financier, administration économique et universités).
Comment l’Algérie s’y prend-elle ?
La stratégie industrielle ambitionne de créer des synergies entre les différents protagonistes. La compétitivité des entreprises dépend de plus en plus de leur cadre, c’est-à-dire des agents qui influencent son activité sans y être impliqués directement (système bancaire, administration économique, etc.). Aussi faut-il connecter de la meilleure façon possible l’entreprise à son environnement afin qu’elle puisse prendre les décisions concernant son activité avec le moins d’incertitudes possible. Cette connexion est particulièrement mise en exergue dans le cas des Zones d’activité industrielle intégrée (ZAII) : il s’agit moins d’investir dans de nouvelles zones et activités que de susciter des relations dynamiques entre les zones industrielles existantes, les pôles universitaires chargés de recherche et développement (R&D), les infrastructures et les acteurs institutionnels. Au total, la stratégie de développement industriel a plusieurs dimensions : le choix des branches porteuses de croissance, la mise à niveau, le déploiement spatial, le développement des ressources humaines, l’innovation et le cadre de mise en uvre.
Cette stratégie recommande la création de zones industrielles intégrées. Avez-vous identifié ces zones ?
Nous avons identifié des zones de concentration industrielle qu’il s’agit de doter d’infrastructures, de connecter avec la recherche à travers la concentration des laboratoires de recherche et des industries déjà existantes de manière à encourager la croissance. Nos choix résultent d’une pondération de ces éléments, sachant que la compétitivité et l’efficience des entreprises dépendent de leur combinaison. En fonction de l’existant, nous avons discerné des technopôles, des zones spécialisées et des zones polyvalentes. Le but est de créer très rapidement des microclimats d’affaires qui améliorent l’attractivité de ces sphères de manière à ce qu’elles servent d’exemple pour le reste du tissu économique.
Votre politique vise la mise à niveau des entreprises publiques et privées pour qu’elles puissent affronter la concurrence des multinationales. Comment faire ?
La mise à niveau des entreprises publiques et privées s’impose du fait de l’ouverture de l’économie nationale sur la zone Euromed et, éventuellement, sur le monde. Elle concerne l’entreprise et son environnement. Les programmes en cours vont être approfondis et regroupés en un seul. Les résultats obtenus jusqu’ici sont assez modestes en raison du récent lancement des programmes de mise à niveau et de leur ampleur. Nous avons l’intention de mettre sur pied un programme spécial qui permettra d’en faire profiter un plus grand nombre des sociétés grâce à un soutien plus important dans le but de renforcer leur compétitivité.
En clair, que ferait l’État ?
L’État pourrait dans un très proche avenir améliorer ses soutiens à l’investissement matériel et immatériel quand il s’agira de mise à niveau. Il veut encourager et densifier les relations entre les différents acteurs pouvant intervenir dans l’avenir des PME et PMI (banques, chambres de commerce, associations professionnelles, partenariats public/privé). Le programme de mise à niveau bénéficiera des résultats des réformes structurelles en cours dans la mesure où des mécanismes de garantie de l’investissement des PME et PMI commencent à donner des résultats et que des incitations fiscales considérables devraient conduire de plus en plus d’entreprises vers la mise à niveau.
L’Algérie, dépourvue d’industrie automobile, importe ?120 000 véhicules par an. Comment encourager les constructeurs à venir s’installer dans votre pays ?
L’automobile est un secteur prioritaire de la stratégie industrielle. À ce titre, il profitera d’encouragements à définir en plus de ceux qui sont prévus par le Code des investissements ou le régime des conventions. Une réflexion est en cours pour déterminer s’il s’agit d’encourager une industrie automobile de montage ou s’il faut développer une capacité d’équipementier grâce à une mise en réseau avec de grands constructeurs.
Certains hommes d’affaires algériens dénoncent l’invasion des produits « made in China », notamment dans le domaine des textiles. Est-ce une réelle menace pour la production nationale ?
La fin de l’accord multifibres a permis aux produits textiles chinois de s’affirmer sur de nombreux marchés, y compris ceux des pays développés. Le marché algérien ne fait pas exception. La plainte des hommes d’affaires concerne plutôt les produits contrefaits et/ou échappant à l’administration des douanes. Ces derniers alimentent une économie informelle et donc une concurrence déloyale. La stratégie industrielle recommande à ce sujet de réactiver le conseil de la concurrence, de contrôler plus rigoureusement les frontières et de se doter d’un système de normes.
Votre tournée européenne, baptisée « Road Shows », destinée à promouvoir les privatisations des entreprises publiques a-t-elle débouché sur des résultats positifs ?
En vue d’accélérer le processus de privatisation des entreprises publiques, nous avons pris l’initiative d’aller nous-mêmes au contact des milieux d’affaires qui recèlent un fort potentiel de partenariat avec l’Algérie. Cette démarche d’information, de communication et de sensibilisation des investisseurs potentiels a permis de toucher jusqu’à présent les milieux d’affaires en France (Paris, Lille et Marseille), à Monaco, en Allemagne (Berlin), en Italie (Milan), en Chine (Pékin) et en Corée du Sud (Séoul).
Quels sont vos objectifs à travers cette démarche ?
Informer les institutionnels et les hommes d’affaires sur le nouveau cadre juridique relatif au secteur public marchand et à sa privatisation ; présenter le potentiel industriel des entreprises publiques économiques (EPE) ouvertes à la privatisation et au partenariat ; capter de nouveaux investissements pour permettre la remise à niveau des entreprises algériennes ; et enfin mettre en avant les atouts compétitifs de l’Algérie. Ces « Road Shows » ont constitué une réelle opportunité de nouer des relations qui se sont soldées pour certaines par la concrétisation d’un certain nombre de projets d’investissement direct, de partenariat ou de participation au capital. Pour d’autres, les discussions se poursuivent. à cet égard, les résultats ont été jugés tellement positifs que des rencontres sont programmées dans d’autres pays, dont le Portugal, très prochainement. Le processus de privatisation vise à garantir la pérennité des activités et des entreprises, à assurer le maintien de l’emploi et son accroissement et à rendre plus compétitives les entreprises publiques. Cela passe par l’innovation et l’utilisation d’équipements à haute valeur technologique ainsi que par l’amélioration de la productivité. Enfin, les privatisations doivent contribuer a ouvrir de nouveaux marchés et à développer les exportations hors hydrocarbures.

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