Élections en ligne de mire

Si les différents partis s’agitent à l’approche des législatives prévues le 17 mai, l’opinion publique ne semble porter que peu d’intérêt au scrutin.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Aux urnes, citoyens ! Par deux fois cette année, les électeurs seront appelés à voter. En octobre, les municipales devraient animer la vie politique locale. En attendant, ce sont les législatives, prévues le 17 mai, qui agitent l’ensemble des partis. Mais pas la population. Il faut dire que la seconde législature (depuis l’adoption de la Constitution de 1996) ne restera pas dans les mémoires. L’Assemblée populaire nationale (APN) sortante n’a connu ni grand débat parlementaire, ni initiative d’importance en matière législative. Mais son bilan est loin d’être négatif. Contrairement aux législatures précédentes, de nombreux textes de loi ont été adoptés : révision du code civil, amendements du code pénal et du code de procédure pénale, révision du code de la famille et de celui de la nationalité, loi sur la libéralisation de l’électricité, loi sur les hydrocarbures, etc.
Pour la première fois depuis la création de la Chambre basse, en 1977, pas moins de trois présidents se sont succédé à sa tête : Abdelkader Bensalah, qui a démissionné du perchoir en 2003 pour devenir président du Sénat ; son successeur Karim Younes, qui a été débarqué au lendemain de la présidentielle d’avril 2004 pour avoir soutenu le candidat Ali Benflis ; et enfin Amar Saïdani, actuel titulaire du poste. Mais la plus grande particularité de l’APN sortante tient à l’absence des partis qui se réclament du courant démocratique. Protestant contre la gestion du gouvernement lors des événements en Kabylie, le Front des forces socialistes (FFS, de l’opposant Hocine Aït Ahmed) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, de Saïd Sadi) avaient décidé de ne pas participer aux législatives de 2002. Si le FFS poursuit sa politique de boycottage, la formation de Sadi a fait part, lors du troisième congrès du RCD, qui s’est tenu en février 2007, de son intention de participer au scrutin de mai.
La législature actuelle a été dominée par les trois partis qui constituent l’Alliance présidentielle : le Front de libération nationale (FLN, du Premier ministre Abdelaziz Belkhadem), le Rassemblement national démocratique (RND, d’Ahmed Ouyahia) et le Mouvement de la société pour la paix (MSP, ex-Hamas de Bouguerra Soltani). L’Alliance dispose d’une confortable majorité face aux islamistes du Mouvement de la renaissance nationale (MRN el-Islah d’Abdallah Djaballah) et aux trotskistes du Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune). Et il y a fort à parier qu’à l’issue du scrutin du 17 mai, le rapport des forces ne sera pas bouleversé. Si la majorité risque de ne pas changer de main, les enjeux de ces élections demeurent importants. L’Alliance ayant décidé de ne pas recourir à des candidatures communes, chaque formation présentera ses propres listes. Le résultat des urnes déterminera le poids réel de chacune de ces trois formations et permettra de savoir qui fera autorité au sein de l’Alliance. Le FLN semble s’être remis de ses émotions après la tempête provoquée par l’éviction de son ancien secrétaire général, Ali Benflis, qui s’était présenté contre Bouteflika à l’élection présidentielle d’avril 2004. La reprise en main de l’appareil du FLN, redoutable machine électorale, s’est effectuée dans la confusion. Exclue lors de la désignation des candidats, la base du parti a dû laisser la place à une structure désignée par Belkhadem. Le Premier ministre a sillonné les wilayas (préfectures) du pays afin d’y recueillir les candidatures choisies selon des critères établis par la direction du FLN. Rien de nouveau, mais le nom des postulants retenus n’a été publié qu’à la veille de l’échéance légale du dépôt des listes. « Nos militants candidats, une fois écartés de l’investiture, se présentent souvent en indépendant, explique un membre du comité central du FLN. Par le passé, cela nous a coûté de nombreux sièges, la dispersion de notre électorat ayant favorisé nos concurrents. »
De leur côté, les islamistes du MSP resteront sérieusement handicapés par la disposition de la charte pour la Paix et la Réconciliation qui interdit aux anciens dirigeants du Front islamique du salut (FIS, dissous en mars 1992) de se présenter. En outre, les bourdes à répétition du patron du MSP ont discrédité le parti, qui se réclame des Frères musulmans. Le coup le plus rude reçu par l’ex-Hamas reste toutefois le témoignage de Bouguerra Soltani dans l’affaire Khalifa. Sa comparution devant le tribunal de Blida, où s’est déroulé le procès du « scandale financier du siècle » a mis dans l’embarras son parti, qui avait choisi d’axer sa campagne sur le thème de la lutte contre la corruption. Quant au RND, il finit de digérer le limogeage, en mai 2006, de son chef, Ahmed Ouyahia, du poste de Premier ministre.
En ce qui concerne l’opposition, il est désormais acquis que les islamistes du MRN el-Islah seront absents de l’Hémicycle. Du moins sous cette étiquette. Une dissidence interne a rendu impossible la tenue d’un congrès. Or, une disposition de la loi électorale exclut systématiquement tous les partis ne respectant pas leur calendrier interne. Les laïcs du RCD, quant à eux, entendent bien faire leur retour au sein de l’APN. Mais la minorité parlementaire devra surtout compter sur les troupes de la Pasionaria algérienne, Louisa Hanoune, dont le parti espère confirmer son statut de première force de l’opposition. Pour combattre la transhumance politique qui affecte son parti (cinq députés sortants du PT ont rallié, il y a quelques semaines, le parti de Saïd Sadi), Louisa Hanoune a fait signer à ses candidats un document dans lequel ils s’engagent à renoncer à leur mandat si jamais ils décidaient de changer de parti. Une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des élus trotskistes
Alors qu’une année électorale s’accompagne habituellement d’un certain ralentissement de l’activité économique, il semblerait que 2007 soit une exception. À quelques semaines du lancement officiel de la campagne, le pays n’a rien changé à ses habitudes. « Nous avons accumulé un tel retard, et l’ambition de notre programme de développement est si importante que nous ne pouvons nous permettre un quelconque répit, affirme-t-on dans les couloirs d’El-Mouradia, siège de la présidence de la République. Les échéances électorales ne feront pas diversion. »
La grande inconnue des élections législatives reste indéniablement le taux de participation, tant l’opinion publique ne semble pas se passionner pour le scrutin. Il faut dire qu’aux yeux des électeurs, l’institution législative est celle qui possède le moins de légitimité. Et les Algériens ont, semble-t-il, d’autres chats à fouetter.

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