Hors du mobile, quel salut ?

Les groupes étrangers se taillent de belles parts de marché. Pendant ce temps, la privatisation de l’opérateur national se fait attendre.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Vendra, vendra pas ? La privatisation d’Algérie Télécom est sur les rails depuis trois ans. Bien qu’aucun appel d’offres n’ait été lancé, et alors que l’on ne connaît même pas la part du capital qui serait mise en vente, pas moins de 45 groupes internationaux ont montré leur intérêt pour l’opération. Il est vrai que la mariée sera belle. Certes, l’opérateur historique algérien souffre des mêmes travers que ceux qu’ont connus ses homologues étrangers avant l’ouverture de leur capital. Un peu empâté (21 500 employés) et un peu lent à la détente. Mais quand enfin il se décide, la victoire est au bout de la ligne. Sa filiale Mobilis a ainsi laissé Djezzy, filiale d’Orascom Telecom, créer le marché du téléphone mobile pendant deux ans. Avant de se lancer dans la bataille. Résultat : 6,88 millions d’abonnés à la fin septembre 2006, selon l’Autorité algérienne de régulation de la poste et des télécoms (ARPT).
L’opérateur national algérien, qui gère également 2,88 millions de clients au téléphone fixe et des réseaux spécialisés (international, à fibres optiques, etc.), a donc bien des avantages à faire valoir. Le marché algérien est en outre plein de promesses : il vient d’enregistrer une nouvelle année de forte croissance (+ 80 % dans la téléphonie mobile entre septembre 2005 et septembre 2006) tout en présentant encore quelque faiblesse par rapport à ses voisins, d’Afrique ou du Golfe, en ce qui concerne le niveau d’équipement ramené à la population dans le téléphone fixe et l’accès à Internet. Pour un investisseur, rattraper ces retards est ce que l’on nomme le « potentiel de développement ». Et ils sont, on l’a vu, près d’une cinquantaine à s’intéresser à celui d’Algérie Télécom. Le nombre de candidats est tel que tout porte à croire que les enchères pourraient, le moment venu, dépasser les montants records déjà enregistrés au Maroc (2,5 milliards de dollars pour 51 % de Maroc Télécom) et en Tunisie (2,66 milliards de dollars pour 35 % de Tunisie Télécom).
Reste à savoir quand les autorités donneront le top départ si elles le donnent. Fin septembre, le ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, Boudjemaa Haïchour, indiquait avoir remis le dossier au gouvernement, pour qu’il statue sur l’échéancier et la part du capital concernée. Depuis, on attend. Le pays, qui a pourtant mené à bien les ventes de nombreuses entreprises publiques de taille plus modeste, hésiterait-il à se séparer de ses joyaux ? À Alger où, c’est bien connu, les rumeurs vont bon train, certains spécialistes pronostiquent, sous couvert d’anonymat, que le dossier débouchera sur la signature d’un contrat de gestion d’Algérie Télécom par un groupe étranger, qui serait chargé de dynamiser les actions commerciales de l’opérateur national.
Tant que la décision n’est pas prise, son « potentiel de développement » est à portée de main des groupes privés déjà en place. Autant dire un boulevard, sur lequel Orascom Télécom Algérie (OTA) taille la route depuis février 2002. Le réveil de Mobilis, au début de 2004, puis l’entrée en lice de Wataniya Télécom Algérie (WTA), en août de la même année, n’ont pas réussi à interrompre sa croissance. En septembre 2006, il a atteint les 10 millions de clients, soit 50 % du marché, suivi par Mobilis (38 %) et WTA (12 %). OTA est également le plus rentable, note l’ARPT, avec un chiffre d’affaires mensuel moyen par usager de 1 007 DA (11 euros), devant WTA (770 DA) et Mobilis (357 DA). « Djezzy a très bien su faire face à la concurrence et utiliser toutes les ficelles du marketing », commente Abderrafiq Khenifsa, directeur d’IT Mag, magazine bimensuel dédié à Internet et aux télécoms en Algérie. Djezzy, la marque d’OTA, a su s’orienter vers les prestations haut de gamme, notamment en lançant, en novembre 2006, un ?service de courrier électronique sur téléphone portable. L’innovation a valu au directeur général d’OTA, Hassan Kabbani, de recevoir un Trophée de l’excellence lors du dernier 3GSM World, en février à Barcelone.
Djezzy a également su résister au dynamisme de Nedjma, appellation commerciale du réseau de WTA, qui a franchi la barre des 3 millions d’abonnés à la fin de 2006, contre 1,2 million un an auparavant. La participation du footballeur Zinedine Zidane à sa campagne de publicité du dernier semestre a compté pour beaucoup dans cette progression spectaculaire (150 % en un an). Avec pour résultat une image encore réductrice : « Il est perçu comme l’opérateur des 15-25 ans », relève Abderrafiq Khenifsa. À la direction du marketing de Nedjma, Malek Touati rétorque que « notre réseau est le seul qui soit 100 % multimédias, à la norme GPRS, et nous visons la première place dans ce domaine ». En d’autres termes, la stratégie commerciale cible les clients à forte valeur ajoutée, alors que le réseau, qui couvre aujourd’hui 74 % de la population, va être étendu aux grands axes routiers et à toutes les villes. Fin février dernier, des rumeurs faisaient état d’un rachat de Wataniya par le groupe égyptien Orascom Télécom, ce qui aurait créé une situation inédite de quasi-monopole sur le marché algérien, Djezzy et Nedjma ayant le même propriétaire. Le 4 mars, la vente était confirmée, mais au profit de Qatar Telecommunications (Qtel), qui a racheté 27 % des actions en Bourse et 24 % au holding Kuwait Projects Co. (Kipco), pour 3,72 milliards de dollars (outre l’Algérie, Wataniya Telecom est partenaire de Tunisiana en Tunisie).
Ce panorama du marché de la téléphonie algérienne serait incomplet s’il n’évoquait pas le cas du nouvel opérateur général du pays, le Consortium algérien de télécommunication (CAT), créé par Telecom Egypt et Orascom Telecom. Il a obtenu la seconde licence de téléphonie fixe en mars 2005, pour 65 millions de dollars, et lancé ses premiers produits un an plus tard sous la marque Lacom. Où en est-il aujourd’hui ? Mystère : « Nous ne pouvons donner actuellement une suite favorable à votre requête », nous a-t-il été signifié. En juillet 2006, de vifs échanges avaient eu lieu avec Algérie Télécom sur le thème de la concurrence déloyale. « Partira, partira pas », s’interrogeait la presse. Le mois suivant, elle croyait obtenir la réponse : Jean-Pierre Roeland, qui s’était distingué trois ans durant à la tête de Tunisiana, filiale d’Orascom, prenait les rênes de Lacom. Cette nomination était-elle annonciatrice d’un réveil en fanfare ? Celui-ci se fait attendre, tout comme le top départ de la privatisation d’Algérie Télécom. Comme si seule la téléphonie mobile avait de l’avenir dans ce pays.

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