Faire respecter le droit

S’adapter aux mutations socio-économiques, traiter les dossiers avec efficacité, doter les magistrats de moyens techniques suffisants… tels sont les objectifs des réformes en cours.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

La justice a été érigée au rang de priorité nationale par le président Abdelaziz Bouteflika dès son accession au pouvoir, en avril 1999. Six mois plus tard, il procédait à l’installation d’une commission, présidée par l’avocat et militant des droits de l’homme Mohand Issad et composée d’éminents juristes. Elle était chargée de dresser un état des lieux et d’identifier les pistes à suivre pour réformer et moderniser une justice dont les dysfonctionnements passés avaient contribué à alimenter la crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. Le rapport de la Commission Issad s’articule autour du développement des ressources humaines, de la mise à niveau du dispositif législatif national, de l’introduction des nouvelles techniques d’information et de communication, et enfin, d’une profonde refonte du système pénitentiaire. Ces recommandations ont commencé à être mises en uvre dès la remise solennelle, en septembre 2000, du rapport de la commission au président Bouteflika, avec le soutien financier de l’Union européenne. Cinq ans plus tard, ce dernier a convoqué une Conférence nationale, en vue d’évaluer un processus de réformes qui a coûté au Trésor public près de 78 milliards de DA (1 milliard de dollars).
Le développement des ressources humaines constitue la pierre angulaire de la réforme de la justice, le magistrat étant au centre de toute l’activité judiciaire. Le 6 septembre 2004, deux lois organiques ont été promulguées concernant le statut du magistrat et celui du Conseil supérieur de la magistrature. Installée en 2005, cette structure a adopté son règlement intérieur, élu ses membres et élaboré une charte de déontologie du magistrat. Une des carences du fonctionnement de la justice tenait à son manque d’effectifs. De 2 500 magistrats en activité en 1999, ce chiffre est passé à 3 088 en 2006. Insuffisant, aux yeux du président Bouteflika, qui exige la formation de 300 magistrats par an. Pour ce faire, l’Institut national de la magistrature a été transformé en École supérieure de la magistrature, avec, à la clé, une refonte totale des programmes et un allongement de la durée de la formation, qui passe de deux à trois ans. S’agissant des fonctionnaires des services judiciaires, tous corps confondus, les effectifs ont connu un bond de 50 % entre 1999 et 2006, passant de 10 813 à 15 741 agents. La majorité du personnel recruté ou formé concerne les métiers techniques (informaticiens, statisticiens et archivistes).
Les mutations socioéconomiques et les vides juridiques constatés imposent une adaptation du dispositif législatif à la réalité sociale du pays. De nouvelles lois ont été promulguées, notamment celle ayant trait à l’organisation judiciaire. D’autres ont été profondément révisées. Il s’agit notamment du Code de procédure civile et administrative, du Code de la famille, de celui de la protection de l’enfance ainsi que le Code de la nationalité. En matière économique et commerciale, un dépoussiérage de la législation était nécessaire. C’est ainsi que le nouveau Code civil consacre la liberté contractuelle dans les transactions internationales, levant ainsi les entraves susceptibles de décourager les partenaires économiques étrangers.
Dans la même veine, la signature électronique a été consacrée comme mode de preuve, au même titre que l’écrit sur papier. Le nouveau Code du commerce introduit plus de souplesse en accordant au contrat un statut de loi des parties. Pour mieux protéger la société des différentes formes de criminalité, un ensemble de textes a été élaboré pour prévenir et lutter contre la corruption, la contrebande, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, les infractions de change ainsi que le trafic et l’usage de stupéfiants. Les amendements apportés au Code pénal et à celui de la procédure pénale soulignent le respect des principes essentiels des droits de l’homme. Ces nouvelles règles garantissent la présomption d’innocence, la limitation du recours à la détention préventive et la réparation en cas d’erreur judiciaire.
On ne peut évoquer une réforme de la justice sans évoquer sa modernisation. L’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication a permis à la justice de se rapprocher des justiciables en gagnant en accessibilité, en rapidité dans le traitement des dossiers et en efficacité. L’outil informatique a permis, d’une part, la mise en place de nouveaux systèmes de gestion pour mieux satisfaire la demande et, d’autre part, faciliter une meilleure prise de décision ?du juge, qui dispose de moyens techniques inédits pour traiter les affaires en cours.
Le dernier volet de la réforme de la justice s’intéresse au secteur pénitentiaire. Le 6 février 2005, la loi sur l’organisation pénitentiaire et réinsertion sociale des détenus a été promulguée. Elle consacre la modernisation des structures pénitentiaires pour qu’elles soient conformes aux standards internationaux, à travers l’humanisation des conditions de détention, la rééducation pour une meilleure réinsertion sociale grâce à des cycles de formation scolaire ou professionnelle, et un renforcement des effectifs avec le recrutement entre 2002 et 2006 de 6 000 fonctionnaires, dont 4 000 agents de rééducation. Pour lutter contre le surpeuplement carcéral (les cinquante prisons et maisons d’arrêt algériennes accueillent plus de 55 000 détenus), un programme de réalisation de 81 établissements a été lancé. La réception de ces nouvelles structures est prévue entre 2007 et 2009. En attendant, et en gage de transparence, les prisons algériennes sont régulièrement visitées par des émissaires du Comité international de la Croix rouge (CICR) et les réformes en cours bénéficient de l’appui du Pnud et de l’Unicef.
Sur le plan de la coopération, le processus de réformes en cours a tiré profit de la nouvelle dynamique de la diplomatie algérienne. Le partenariat a permis une diversité des échanges en matière d’expérience et d’expertise. La coopération au plan bilatéral a enregistré la signature et la ratification de 43 conventions d’entraide judiciaire ; 58 autres sont en attente de ratification. Ces instruments bilatéraux sont accompagnés de mesures de coopération institutionnelle. Enfin, en termes d’infrastructures, la justice a bénéficié de la réalisation de 43 nouveaux sièges, de la construction de cinq tribunaux, de l’extension de deux cours de justice ainsi que de la nouvelle École nationale de la magistrature.

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