Commandant Chettaoui

Pour la première fois depuis vingt ans, un fin connaisseur de l’aviation civile prend les rênes de la compagnie nationale tunisienne.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

Au siège de la compagnie nationale Tunisair, à quelques centaines de mètres de l’aéroport Tunis-Carthage, l’heure est à l’euphorie depuis la nomination de Nabil Chettaoui comme président-directeur général. « Pour une fois, nous avons quelqu’un du domaine pour nous diriger. Il est jeune et connaît les problèmes de l’aviation civile, des aéroports et de Tunisair », souligne une cadre.
Ingénieur (spécialité études et exploitation) sorti de l’École nationale de l’aviation civile (Enac) de Toulouse, dans le sud de la France, l’un des fiefs mondiaux de l’aéronautique, Chettaoui, 50 ans, a fait toute sa carrière dans l’aviation civile. Il a occupé plusieurs postes de direction dont celui de directeur général de l’aviation civile au ministère tunisien des Transports. Il fait un premier passage chez Tunisair comme directeur général adjoint (novembre 2004-novembre 2005). Puis il est nommé président de l’Office de l’aviation civile et des aéroports (Oaca), l’organisme public chargé de la gestion et de l’exploitation des sept aéroports civils de Tunisie, et du contrôle de la navigation aérienne. Depuis le 1er février, ce professionnel doublé d’un commis de l’État est de retour à Tunisair.
Pour le personnel de la compagnie nationale, son arrivée est une bouffée d’oxygène que l’on espère durable. Chettaoui est en effet le dixième PDG de Tunisair en vingt ans. Soit des présidences d’une durée moyenne de deux ans. « Il n’est pas en train de perdre du temps à apprendre, relève un cadre technique. Avant, un PDG fraîchement débarqué mettait de un à deux ans pour se familiariser avec la compagnie et le secteur du transport aérien. À peine commençait-il à être productif qu’il était remplacé par un autre qui prendra autant de temps pour se mettre dans le bain, et ainsi de suite. »
Le poste est en effet loin d’être une sinécure. « Être PDG de Tunisair, c’est se condamner à être sur le qui-vive 24 heures sur 24, sept jours sur sept », note un ancien. « Il doit s’occuper à la fois des olives servies avec le plateau-repas et du boulon du réacteur », ajoute un autre. Le PDG devait en outre se montrer prudent et « tenir compte des interventionnismes, raconte un ex-cadre. De mon temps, la plupart de ceux qui travaillaient à Tunisair étaient pistonnés, tout Tunisien rêvant d’entrer dans cette compagnie prestigieuse où l’on peut voyager. Ce qui rend la gestion difficile, car il faut faire attention à ne pas sanctionner n’importe qui. »
Tout compte fait, pour tenir plus de trois ans, il faut être particulièrement résistant. Et comme la nomination à ce poste est politique à 100 %, « le PDG est assis sur un siège éjectable », note l’un de ceux qui en ont fait l’expérience. Au cours des vingt dernières années, seul un PDG, Mohamed Souissi, nommé à ce poste en novembre 1987 pour remplacer Hedi Attia, est parti de son plein gré au bout de quelques mois. Un autre a eu une promotion politique : Faouzi Belkahia, devenu ministre des Transports avant de retrouver sa véritable vocation, celle de PDG de la Banque de Tunisie, l’une des banques privées les plus solides du pays. Quatre autres arrivés en fin de carrière à Tunisair sont partis à la retraite : le général Abdelhamid Fehri, Tahar Hadj Ali, qui fut auparavant ministre des Transports, Abdelmalek Larif, qui fut ministre de la Culture et de l’Information avant de venir au transport aérien, et Ahmed Smaoui, un spécialiste du tourisme, qui fut lui aussi ancien ministre des Transports. Jamaleddine Chichti, arrivé après avoir occupé les fonctions de conseiller économique de la présidence, est retourné à l’université. Youssef Neji, qui fut gouverneur au ministère de l’Intérieur avant de rejoindre Tunisair, se retrouve à la tête du Centre de promotion des exportations (Cepex).
Quid de Chettaoui ? « Il est le seul qui connaisse le métier, reconnaît humblement l’un de ceux qui ont auparavant occupé le poste. Il a une expérience des relations internationales [il parle arabe, français, anglais et italien, NDLR], des compagnies et des constructeurs. Nous tous qui l’avions précédé, sauf, à la rigueur, le général Abdelhamid Fehri, qui fut aussi chef de l’armée de l’air, ne connaissions pas grand-chose à l’aviation. »
Chettaoui arrive à un moment où Tunisair poursuit sa modernisation, cherche à s’adapter aux bouleversements en cours ou en vue dans le transport aérien à l’échelle internationale et aussi nationale, à l’ouverture du ciel et à la concurrence grandissante, y compris celle des low-cost. Sa nomination coïncide aussi avec le lancement d’une nouvelle stratégie commerciale, notamment en direction des pays du Golfe, et un déploiement en Afrique de l’Ouest via son partenariat avec Mauritania Airways à hauteur de 51 %. Autre mission qui attend Chettaoui : la reprise en main de la compagnie domestique Tuninter, qui souffre des errements dans sa gestion et qu’il faudra sans doute reconstruire sur des bases saines.
Le dossier le plus chaud que Chettaoui a trouvé sur son bureau et qui suscite traditionnellement de grandes manuvres est celui du plan de renouvellement de la flotte. Celle-ci comprend 30 appareils – 11 Boeing et 19 Airbus, dont 1 Airbus A-319 à rayon d’action étendu qui devait être livré fin mars. Près des deux tiers des appareils sont en propriété, l’autre tiers est en leasing. L’âge moyen de la flotte est de 7,5 ans, sachant que la durée de vie d’un avion est de 30 ans et plus. Dans le cas de Tunisair, on compte 17 appareils de plus de dix ans d’âge, le plus « vieux » datant de 1989. Selon nos informations, le programme de renouvellement de la flotte jusqu’à 2016 devrait concerner une quinzaine d’appareils, et plus si de nouveaux besoins se font jour entre-temps.
De ce fait, Chettaoui va disposer d’un rajeunissement de la flotte qui devrait renforcer la compétitivité de Tunisair, qui est l’une des rares compagnies au monde à n’avoir jamais enregistré d’accident. Son point fort réside en effet dans la priorité accordée à la sécurité, avec des services techniques capables d’assurer une maintenance et une révision des appareils conformes aux normes internationales les plus exigeantes.

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