Trompeuses statistiques

Publié le 2 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Derrière la façade des statistiques mensongères, des déclarations fallacieuses et des faux concepts, il y a la réalité de l’Afrique subsaharienne. Et celle-ci est loin d’être rose. Elle peut se résumer en trois mots : dette, maladies, gabegie. L’égoïsme et l’autosatisfaction des gouvernements occidentaux, des dispensateurs d’aide et des âmes charitables cachent à la fois la gravité de la crise et l’inefficacité des politiques mises en oeuvre pour arrêter le déclin du continent.
On répète que le Nigeria est le pays le plus peuplé du continent. Mais combien compte-t-il d’habitants ? 120 millions ? 140 millions ? Le dernier recensement fiable a été réalisé par la puissance coloniale britannique, il y a un demi-siècle. Toutes les estimations réalisées après l’indépendance ont été faussées par la rivalité entre le Sud chrétien et le Nord musulman. Et par les querelles pour la répartition de la manne pétrolière : le montant de l’allocation versée à chaque État dépend en effet de l’importance de sa population. Dans ces conditions, toutes les statistiques concernant ce pays sont nécessairement sujettes à caution. Elles se fondent non sur des faits, mais sur des suppositions, sur des tendances établies à partir de données douteuses. De la même façon, quel crédit accorder aux chiffres de la Banque mondiale concernant le Mali, le Malawi ou le Mozambique, qu’il s’agisse du nombre de postes de radio pour 1 000 habitants ou du taux d’alphabétisation ? Ils reposent souvent sur des extrapolations vieilles de plusieurs décennies ! […]

Organiser des élections en l’absence d’un recensement fiable n’a strictement aucun sens. Surtout si l’opération est confiée à une administration qui ne fonctionne pas, dans un pays où la « bonne gouvernance » n’a jamais existé. C’est pourtant ce que les Occidentaux exigent, par exemple, des dirigeants de la RD Congo. Sur la base de vagues hypothèses, ils s’efforcent de « vendre » des projets qui ne tiennent pas debout. Le tout reposant sur l’idée, jamais vérifiée concrètement, que l’Afrique « va mieux », même si ses progrès sont lents et irréguliers.
Je serais en contradiction avec moi-même si je présentais comme une certitude l’hypothèse que l’Afrique va globalement de plus en plus mal. Même si nombre d’entre elles confortent mon point de vue, il m’est évidemment difficile d’invoquer des statistiques dont je suis le premier à dire qu’elles n’ont aucune valeur, qu’elles sont fondées sur des sources que je conteste. Mon expérience personnelle n’est pas plus convaincante que celle des « afro-optimistes ».
La situation de l’Afrique s’est, j’en suis convaincu, détériorée, mais les conditions dans lesquelles travaillent les journalistes, les diplomates et les bailleurs de fonds se sont sans nul doute améliorées. Les avions sont plus confortables, les ordinateurs et les téléphones satellitaires facilitent les communications, les véhicules à quatre roues motrices sont plus fiables et les hôtels plus attentifs à nos besoins. Mais ce confort accru, justement, est trompeur. Si vous observez l’Afrique à partir de ce cocon, vous pouvez très bien avoir l’impression que les choses vont mieux.

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