Shootez dans le burqa !
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Le Premier ministre néerlandais, alarmé par cette querelle du voile qui agite la France, décida il y a quelques semaines de réunir un aréopage de quinze personnes chargées de réfléchir à la question, au cas où elle viendrait à surgir au pays de Beatrix. Pour une raison qui m’échappe – sans doute une erreur de nom -, j’étais de la partie. Et me voilà avec trois ex-ministres, deux sénateurs, quelques professeurs, un juriste et une maîtresse d’école dans un hôtel de luxe à Utrecht. Nourriture abondante et liqueurs diverses, vieilles tapisseries et tableaux de maître, avec un engagement formel : le conclave doit rester secret pour ne pas donner l’impression que le gouvernement s’affole. Au moment de prêter serment, j’étais en train de regarder le plafond (stuc et rococo), ce qui me donne le droit moral de tout vous raconter.
Drôle de réunion. Au bout de cinq minutes, tout le monde était d’accord : le voile, on s’en fiche. Porte-le, petite oie, ou ne le porte pas, qu’est-ce que cela me fait ? J’ai d’autres chats à fouetter. C’est la tradition néerlandaise de tolérance. Il est quand même difficile d’interdire le voile aux femmes alors que des gus moustachus se baladent tout nus dans le parc Vondel, quasiment sous nos fenêtres. Ce serait le monde à l’envers.
Il nous restait tout de même vingt-quatre heures à tuer avant de pouvoir décemment lever le camp. Nous les utilisâmes pour discuter d’une grave question : peut-on porter le burqa au cours d’un examen ? La maîtresse d’école nous avait en effet raconté que deux gamines s’étaient présentées un jour entièrement empaquetées dans cet espèce de linceul couleur de suie. Elle leur demanda :
– Mais qui êtes-vous ?
– Najat, répondit une voix d’outre-tombe.
– Malika, miaula-t-on sous le drap.
Il fallait bien les croire sur parole, puisque, à part la parole, rien ne suintait de dessous le tissu. On laissa faire – toujours la tolérance néerlandaise. Tant d’indulgence donna des idées à des petits truands. Le lendemain, un supermarché fut dévalisé par trois burqas dont dépassaient trois revolvers. Notre dilemme avait changé de nature : la police a-t-elle le droit de soulever un coin du burqa d’un(e) paisible passant(e)?
C’est alors que le juriste donna toute la mesure de son talent. Il nous démontra par a + b qu’un burqa déambulant dans la rue n’était pas un citoyen, puisqu’on ne pouvait pas voir ce qu’il y avait dessous : ce pourrait être un robot ou un Martien. N’étant pas citoyen, ce machin n’est protégé par aucune loi, la police peut farfouiller dessous, on peut donc en faire ce qu’on veut. C’est alors que l’un des sénateurs se réveilla pour crier d’une voix avinée :
– Peut-on shooter dans un burqa ?
Ce télescopage des siècles et des langues, du sport et de la religion, du profane et du sacré ne désarçonna pas le juriste. Il confirma gravement :
– Oui, on peut shooter dans un burqa.
Voilà à quelles hauteurs le débat s’est élevé dans l’Europe démocratique grâce aux petites Najat et Malika.
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