Pourquoi Israël doit se retirer des Territoires

Publié le 2 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Ne mâchons pas nos mots. La politique américaine sur le conflit israélo-palestinien est démente. Comment voir ce qui se passe – des Palestiniens, pris de folie collective, accumulant les suicides, et des Israéliens, gouvernés par des dirigeants à la dérive, qui créent de nouvelles colonies pour installer des Juifs fanatiques au coeur de secteurs peuplés de Palestiniens – et ne pas conclure ceci : que ces deux nations sont embarquées dans un cercle vicieux totalement autodestructeur qui menace la viabilité à long terme d’Israël, empoisonne l’image de l’Amérique au Moyen-Orient, détruit tout espoir d’État palestinien et affaiblit les Arabes modérés proaméricains ?
Et pourtant, l’équipe Bush, soutenue par des juifs conservateurs et des groupes activistes chrétiens, estime que la politique correcte est de ne rien faire. C’est bien ce que j’appelle de la démence.
Israël doit se retirer de la Cisjordanie et de la bande de Gaza le plus tôt possible et évacuer la plupart des colonies. Sinon, l’État juif est en péril. Idéalement, ce retrait devrait être négocié selon le plan qui a été proposé par le président Bill Clinton. Mais, au besoin, il faut le faire unilatéralement. Le plus tôt sera le mieux, et les États-Unis devraient l’exiger.
Pourquoi ? D’abord, parce que le monde arabo-musulman, depuis si longtemps à l’écart de la mondialisation, est en train de se rendre compte que le splendide isolement, c’est fini. Il n’y a plus assez de richesse pétrolière pour faire vivre ou travailler la population. Les pays arabes vont être tous obligés de faire une reconversion déchirante. Il faut qu’Israël prenne ses distances et réduise ses points de friction avec le monde musulman pendant que celui-ci comble son retard dans des conditions difficiles et parfois humiliantes.

Ensuite, trois menaces convergent sur Israël. La première est l’explosion démographique du monde arabe. La deuxième est la pire violence interpersonnelle qu’il y ait jamais eue entre Israéliens et Palestiniens. Et la troisième est le grand boom de l’utilisation des médias informatiques par les Arabes, d’Al-Jazira à Internet. Ils répercutent les images de la violence israélo- palestinienne vers la population arabe, et du coup la radicalisent et alimentent l’idée que la plus grande menace pour son avenir est le trio « JIA » – les Juifs, Israël et l’Amérique.
Le retrait d’Israël n’arrangera pas tout. Israël continuera d’être détesté. Mais s’il se retire sur une frontière internationalement reconnue, il sera dans une position morale, stratégique et démographique qui le protégera.
Si Israël ne renonce pas à la Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens seront bientôt plus nombreux que les Juifs, et Israël deviendra soit un État d’apartheid, soit un État non juif.
En outre, un retrait israélien enlèvera aux pires dirigeants arabes une excuse pour ne pas réformer. Il donnera aux meilleurs dirigeants arabes davantage d’espace pour aller de l’avant, et aux Palestiniens quelque chose à protéger.

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En somme, Israël devrait se retirer des Territoires non pas parce qu’il est faible, mais parce qu’il doit rester fort ; non pas parce qu’Israël a tort d’être Israël, mais parce que le sionisme est une cause juste que l’occupation met en porte-à-faux ; non pas parce que les Arabes se réjouiraient qu’Israël soit plus petit, mais parce qu’un Israël plus petit, à l’intérieur de frontières internationalement reconnues, serait beaucoup plus facile à défendre ; non pas parce que cela éliminera l’antisémitisme islamique ou européen, mais parce que cela le réduirait en diminuant les frictions quotidiennes ; non pas parce que cela signifiera qu’on cède à un caprice américain, mais parce que rien ne renforcerait davantage l’influence de l’Amérique dans le monde musulman, n’aiderait davantage à gagner la guerre des idées et donc à mieux protéger Israël.
L’équipe Bush a raison de vouloir faire régner la justice en Irak. Elle a raison de dénoncer la folie suicidaire palestinienne. Mais elle garde le silence sur l’injustice que représente le grignotage de terrain par les Israéliens en Cisjordanie. L’équipe Bush a détruit le régime irakien en trois semaines et n’a pas persuadé Israël d’abandonner une seule colonie en trois ans. Imaginer que l’Amérique peut se permettre une telle hypocrisie et gagner la guerre des idées dans le monde arabo-musulman est une extravagance vraiment lourde de périls.

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