À nous Oran !

Considérant désormais l’Algérie comme un marché stratégique, la compagnie française SNCM ouvre plusieurs nouvelles lignes avec ce pays.

Publié le 2 février 2004 Lecture : 4 minutes.

La gare maritime du port de la Joliette, à Marseille, est presque déserte. En ce dimanche froid et ensoleillé du mois de janvier, quelques dizaines de véhicules seulement attendent d’embarquer sur le Danielle-Casanova, le ferry flambant neuf que la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) vient d’affréter sur sa nouvelle ligne Marseille-Oran.
La compagnie française, dont l’activité depuis sa création, il y a vingt-huit ans, était centrée sur le trafic avec la Corse, considère désormais le Maghreb, et en particulier l’Algérie, comme un marché stratégique. Du coup, elle y multiplie les points de chute : outre Alger, la SNCM dessert Skikda depuis l’été 2003 et Oran depuis janvier dernier. Elle s’apprête à débarquer à Béjaïa à l’été prochain. En trois ans, elle a vu son chiffre d’affaires avec l’Algérie presque doubler, passant de 13 millions à 24 millions d’euros.
Le nombre de passagers a lui aussi fortement augmenté. En 2003, la SNCM a embarqué
111 000 personnes contre 68 000 en 2001. Pour son PDG, Pierre Vieu, la compagnie ne fait « que reprendre ses parts de marché, perdues au début des années 1990 » à cause notamment des problèmes économiques et de sécurité de l’Algérie.
Une vision que ne partage pas l’Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV) algérienne, qui a conclu un accord commercial avec la SNCM. Les deux compagnies proposent à leurs clients les mêmes dessertes à des tarifs identiques, des horaires complémentaires et la possibilité, avec un billet estampillé SNCM ou ENTMV, d’embarquer
indifféremment sur le navire de l’une ou l’autre compagnie. Six rotations par semaine sont aujourd’hui assurées entre la Joliette et l’Algérie en basse saison. Durant l’été, la SNCM et l’ENTMV effectuent une quinzaine de traversées hebdomadaires.
Habituée à une certaine réserve de la part de son partenaire français, l’ENTMV voit donc d’un mauvais il l’essor des activités de la SNCM avec l’Algérie. Mais cette dernière n’entend pas céder aux pressions de son « associée » algérienne. Pour la compagnie
française, sa stratégie offensive ne vise qu’à répondre à la forte demande des Algériens, désireux de rentrer au pays pour quelques mois, en famille et en voiture. C’est d’ailleurs pour cette raison que les voyageurs préfèrent le bateau à l’avion. Et ce en dépit des contrôles drastiques auxquels ils doivent se soumettre avant d’embarquer sur un paquebot de la SNCM. En haute saison, ils sont quelque 3 000 passagers et 800 véhicules surchargés à patienter des heures en plein soleil, le temps que les policiers passent au crible bagages et papiers d’identité. Parfois, de violentes disputes éclatent à cause d’une voiture tombée en panne à force de redémarrer et d’éteindre le moteur. Malgré ces dérapages, la SNCM n’est pas prête à renoncer à ces mesures de sécurité.
Certes, la situation en Algérie s’est nettement améliorée depuis 1994-1995, au moment du détournement d’un avion d’Air France (décembre 1994) et de l’assassinat de sept marins
italiens sur leur bateau accosté au port de Djendjen (juillet 1994). Mais la menace terroriste continue de hanter les transporteurs. Seul assouplissement consenti par la compagnie française, les passagers peuvent désormais accéder librement au pont extérieur
du bateau. Auparavant, ils étaient contraints de rester cloîtrés dans les salons ou les cabines pendant la vingtaine d’heures de la traversée.
La SNCM ne prévoit pas, en revanche, de tels contrôles sur sa ligne Marseille-Tunis, qu’elle partage avec la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) dans le cadre d’un accord
commercial similaire à celui qui lie les compagnies française et algérienne. Le prix des billets pour la Tunisie est équivalent à celui pour l’Algérie. Une famille motorisée avec deux enfants doit ainsi débourser 1 300 euros au minimum (sans cabine) pour un allerretour. Il est vrai que les transporteurs doivent répercuter la forte baisse du
trafic enregistré en basse saison. La SNCM assure 160 traversées dans l’année et embarque quelque 95 500 passagers. « Les trois quarts de nos activités sont réalisés en été », affirme le directeur financier de la SNCM, Laurent Terris. Seuls deux navires par semaine, SNCM et CTN confondus, relient Marseille à Tunis en hiver contre six durant la saison touristique. Comme pour l’Algérie, le fret ne constitue qu’une infime partie du
chiffre d’affaires. Sur une recette annuelle de 25 millions d’euros en 2003 (+ 8 % par rapport à l’année précédente), le fret urgent ne rapporte en effet que 1 million d’euros à
la SNCM.
Si le Maghreb apparaît, aux yeux de la SNCM, comme un marché prometteur, on peut se demander pourquoi elle ne dessert toujours pas le Maroc. « Trop loin », avance-t-on au
siège marseillais de la compagnie. Et trop concurrencé, pourrait-on ajouter. Le Maroc est déjà relié au port de Sète grâce à la Compagnie marocaine de navigation et à la société
norvégienne Comarit. Par ailleurs, l’itinéraire routier, en passant par le détroit de Gibraltar, demeure le plus rapide et le moins cher. La SNCM préfère donc garder son rythme de croisière.

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