Martin Luther King revisité

Ho Che Anderson raconte la vie du célèbre défenseur de la cause des Africains-Américains. Sans faux-semblants.

Publié le 2 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Au cours du printemps 1990, le jeune dessinateur canadien d’origine londonienne Ho Che Anderson, alors âgé de 21 ans, se voit proposer un projet original par l’éditeur américain Fantagraphics books : raconter en 90 pages la vie du plus célèbre des combattants pour les droits civiques des Noirs américains, Martin Luther King. Quatre-vingt-dix pages seulement pour donner une idée juste de celui qui fut assassiné sur le balcon d’un hôtel de Memphis (Tennessee), le 4 avril 1968, quatre ans après avoir reçu le prix Nobel de la paix. Quatre-vingt-dix pages pour dresser un portrait équilibré, sans tomber dans les pièges de la critique facile ou de l’hagiographie. « Je n’ai pas accepté par grandeur d’âme : je cherchais du boulot et celui-là m’a paru une bonne affaire, même temporaire », confie Ho Che Anderson – qui doit son nom à Ho Chi Minh et à Che Guevara – dans sa préface écrite en mai 1993, vingt-cinq ans après la mort de MLK.
Dès le début, pourtant, il est clair que le « boulot » ne sera pas temporaire et que les 90 pages ne suffiront pas. Ho Che Anderson passe six mois, entre fin 1991 et début 1992, à faire des recherches. Il lit deux biographies, visionne plus de trente-cinq heures d’archives, se documente, interroge des proches de King, des gens qui l’ont connu ou simplement approché, et épluche les journaux de l’époque. Puis, en trois mois, il rédige un scénario, guidé par quelques idées fortes auxquelles il n’entend pas déroger : « Ma vision de l’homme Martin Luther King. Pas la bête de scène, le demi-dieu présenté par les médias, pas l’orateur angélique de « J’ai fait un rêve », juste l’homme. Ni conneries ni campagne de pub. Seulement les faits, pas de scoops foireux. » La réalisation du « roman graphique » de la vie de MLK prendra au bout du compte dix ans à Ho Che Anderson.
Salué aux États-Unis, King, La biographie non officielle de Martin Luther King est désormais disponible en français, en trois volumes. L’auteur, beaucoup plus à l’aise dans le noir et blanc que dans la couleur, y brosse un portrait tout en nuances du leader pacifiste noir né en 1929. L’évolution intellectuelle et politique de MLK reste, bien sûr, au coeur de cette biographie. Comment pourrait-il en être autrement concernant un personnage dont la vie ne fut qu’un long combat, pour les droits, contre la ségrégation, contre la violence ? Mais Ho Che Anderson ne se contente pas de la surface : faisant réagir des témoins, multipliant les points de vue, il brosse le portrait d’un homme pétri de contradictions qui a su utiliser son charisme naturel à bon escient, successivement charmeur, dragueur, manoeuvrier… Mais qui faisait parfois montre de machisme. Dans une scène d’une rare violence, MLK rappelle ainsi à sa femme qu’elle « n’a pas à élever la voix », puisque c’est lui « l’homme ».
Pour mieux raconter le Martin Luther King qui se cache derrière sa propre légende, Ho Che Anderson bouscule la chronologie, casse le rythme et joue habilement sur les ombres (toutes proportions gardées, le trait et les contrastes rappellent parfois le style du célèbre dessinateur argentin Alberto Breccia). Les trois volumes de cette biographie achevés, restent l’image d’un MLK humain avec ses qualités et ses défaut, mais aussi l’impression que son influence peut encore – et doit – faire progresser la justice. Ho Che Anderson ne se privant pas de quelques incursions dans le présent pour en montrer la violence raciste.

King, la biographie non officielle de Martin Luther King, livres I, II et III, de Ho Che Anderson, Ed. Emmanuel Proust et Atmosphères, env. 76 pages par volume, 14,50 euros.

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