Algérie : la course contre la montre pour les nouveaux stades

Le pays s’est lancé dans la construction et la rénovation de ses stades. Mais la corruption, le prix des matières premières ou encore les ennuis judiciaires de certains industriels ont fait prendre un retard considérable à certains chantiers.

Le stade Chahid-Hamlaoui, à Constantine. © Wikipedia

Alexis Billebault

Publié le 16 mars 2022 Lecture : 5 minutes.

Le 7 mars, à l’occasion d’un déplacement dans la wilaya de Constantine, le ministre des Sports algérien Abderrazak Sebgag a fermement exprimé sa contrariété : le stade Chahid-Hamlaoui (40 000 places), objet d’importants travaux de réhabilitation avec notamment la pose d’une nouvelle pelouse, aurait dû être livré en mars 2022. Mais certaines entreprises retenues pour effectuer ces missions ont pris beaucoup de retard.

Or Constantine doit accueillir plusieurs matches du Championnat d’Afrique des Nations (le Chan, organisé du 8 au 31 janvier 2023). Abderrazak Sebgag, après avoir prévenu que les retardataires seront sanctionnés, a mis la pression sur les autorités locales en charge du dossier afin que l’enceinte soit livrée le plus rapidement possible.

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Le ministre a rappelé que l’État « avait mobilisé les crédits financiers nécessaires ainsi que tous les équipements et les moyens de réalisation requis pour la concrétisation du projet », autrement dit l’adaptation du stade aux normes internationales. Avant de prévenir qu’il reviendrait sur place en avril pour vérifier le strict respect de ses instructions.

Course contre la montre

Le stade Chahid-Hamlaoui fait partie de ceux qui ont été retenus pour accueillir les matchs de la compétition, avec celui du 5-juillet à Alger (85 000 places), du 19-mai 1956 à Annaba (56 000 places), tous les deux également en phase de réhabilitation.

Deux nouvelles enceintes – le stade Olympique d’Oran (40 143 places), théâtre des prochains Jeux méditerranéens (25 juin au 5 juillet 2022) et celui de Baraki, au sud d’Alger (40 714 places) – sont sortis de terre en 2021 et accueilleront aussi le Chan.

Quant au Mouloudia Club d’Alger, il évoluera bientôt au stade de Douéra (40 000 places), au sud-ouest de la capitale, qui aura coûté la bagatelle de 105 millions d’euros. Les stades qui accueilleront des matches de la CAN des moins de 17 ans en 2023 ne sont pas encore connus.

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L’Algérie s’est ainsi lancée dans un vaste projet de mise à niveau de ses infrastructures sportives, comme l’ont fait le Maroc et l’Egypte. Non sans difficultés. « Des stades, il y en avait. Mais ils n’étaient plus aux normes FIFA en termes de sécurité, d’accueil des supporters, etc. Le problème venait notamment de l’entretien et aussi du fait d’avoir privilégié les surfaces synthétiques », analyse Ali Fergani, ex-sélectionneur des Fennecs.

Les surcoûts atteignent des montants presque indécents

Si elle veut pouvoir organiser à moyen terme une Coupe d’Afrique des nations (CAN), l’Algérie doit rénover ou construire des stades. « L’ennui, c’est que certains chantiers traînent depuis des années », déplore l’ancien international. Le stade de Constantine n’est qu’un exemple parmi d’autres : à Tizi-Ouzou, le stade de 50 000 personnes est en construction depuis quinze ans.

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Explosion des coûts

Les coûts ont explosé – on parle d’une facture de près de 330 millions d’euros – pour une enceinte qui n’est pas encore achevée. La situation du Stade de Baraki n’est guère plus brillante, puisque le chantier a débuté en… 2004. « Pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, les travaux ont été interrompus. Cela explique ces retards de livraison », affirme encore Fergani.

Le sujet est évidemment sensible en Algérie. Plusieurs personnes contactées ont préféré ne pas donner suite à nos demandes d’interview. « Les surcoûts, quand on construit un stade, c’est une chose relativement fréquente que ce soit en Europe, en Afrique ou ailleurs. Mais ici, cela atteint des montants presque indécents. L’exemple du stade de Tizi-Ouzou illustre parfaitement la situation », persifle un dirigeant d’un club algérien professionnel.

Corruption

« Il y a eu des changements au niveau des sociétés qui devaient participer à sa construction. Cela stoppe les travaux et de l’argent est dilapidé… Mais rassurez-vous ! Il n’est pas perdu pour tout le monde. Il n’y a pas besoin de suivre de très près tous ces dossiers pour comprendre que certains se servent au passage. Beaucoup d’argent est détourné. Le problème, c’est qu’il s’agit souvent d’argent public », dénonce-t-il.

Le projet, validé en 2006, portait sur la construction d’un stade de 40 000 places, avant d’être revu à la hausse pour une enceinte pouvant accueillir 50 700 personnes.

Le stade de Tizi-Ouzou aura coûté le double du Juventus Stadium à Turin

Le marché avait été attribué au Groupement composé d’ETRHB Haddad (le groupe de l’homme d’affaires Ali Haddad, aujourd’hui en prison) et FCC-Barcelone (Espagne). Les travaux n’ont débuté qu’en 2010, jusqu’au divorce entre les deux associés en 2014.

Le groupe turc MAPA a pris le relais pour finaliser un projet revu à la hausse avec, outre l’augmentation de la capacité de l’enceinte, la construction d’un véritable complexe sportif comprenant notamment une piste d’athlétisme de 6 000 places.

« Le pays a connu des moments difficiles sur le plan économique et on a assisté également à une forte inflation de certains matériaux indispensables à la construction d’un stade, cela a fait augmenter les coûts », explique Yazid Ouahib, journaliste à El Watan.

L’édifice, qui n’est pas encore achevé, aura coûté le double du Juventus Stadium à Turin (41 500 places, pour un montant compris entre 155 et 160 millions d’euros), et approchera – ou dépassera – la facture de l’Allianz Arena de Munich (75 000 places, 345 millions d’euros, trois ans de travaux).

Les ennuis judiciaires d’Ali Haddad ont inévitablement abouti à la rupture du contrat du groupe ETRHB, et à un nouvel arrêt du chantier pendant deux ans, jusqu’à sa reprise en 2021. En octobre, c’est la société algérienne Cosider qui a été chargée de terminer l’ouvrage d’ici 2023.

CAN 2027 : l’Algérie candidate ?

L’Algérie s’est longtemps contenté de ses stades vieillissants, plus ou moins bien entretenus, comme celui de Blida (Mustapha-Tchaker) où la sélection nationale dispute quasiment tous ses matches depuis 2008.

« Il était temps que le pays se dote de nouvelles structures modernes, répondant aux normes internationales. Les principaux ont été construits dans les années 1970, comme celui du 5-juillet 1962 à Alger (1972), ou 1980 (Annaba) », reprend Ali Fergani.

La dernière fois qu’elle a accueilli la compétition remonte à 1990, quand seules huit sélections y participaient et que deux stades suffisaient. Si les deux prochaines éditions ont été attribuées à la Côte d’Ivoire (2023) et à la Guinée (2025), il n’est pas impossible que l’Algérie postule pour celle de 2027.

Le président de la fédération Algérienne de Football (FAF) Charafeddine Amara, a récemment confié que l’instance étudiait la faisabilité d’une éventuelle candidature, avant de la soumettre aux autorités du pays… « Et si la Guinée, comme cela se raconte, n’est pas prête, l’Algérie pourrait être, comme le Maroc, une solution de secours pour la CAF », conclut un dirigeant d’une fédération bien informé.

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