La nuit italienne

« Buongiorno, Notte », de Marco Bellochio (sortie à Paris le 4 février 2004)

Publié le 2 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Le cinéma politique est un genre difficile. Les films à thèse sont en général ennuyeux, même quand leur sujet pourrait être passionnant. Car à trop vouloir démontrer, une oeuvre perd de sa valeur artistique. Voilà pourquoi les films d’un Costa Gavras ou de tant de cinéastes africains trouvent vite leurs limites. Et si le réalisateur privilégie la qualité du récit, la beauté des images, le jeu des acteurs ou la force de l’émotion au détriment du réalisme historique, alors on dira : à quoi bon faire un film politique si sa principale valeur est esthétique ?
Avec Buongiorno, Notte, Marco Bellochio raconte l’enlèvement, le « procès populaire » puis l’assassinat, à Rome, en mars 1978, du président de la Démocratie chrétienne Aldo Moro par l’organisation terroriste des Brigades rouges. Et il réussit magistralement à éviter les deux écueils.
Le réalisateur s’est documenté sur son sujet et il avoue volontiers sa dette envers le livre de souvenirs d’une ancienne brigadiste, Anna Laura Braghetti, qui a participé à l’événement. Il reconstitue de façon fort convaincante les conditions de la détention d’Aldo Moro. Tout comme les négociations qui n’aboutiront jamais avec ses « amis » politiques, auxquels on demandait de libérer des terroristes emprisonnés en échange de sa vie. Marco Bellochio parvient, une gageure pour un film qui se déroule surtout à huis clos, à proposer une oeuvre formellement très réussie. Mais l’essentiel n’est pas là.
Le cinéaste italien, qui semble avoir retrouvé le talent qu’on lui reconnaissait à ses débuts, donne plus d’importance au cadre historique, psychologique, social … et cinématographique qu’à l’événement raconté. Et il explore ainsi le champ politique sans l’aborder frontalement et sans sacrifier la dimension artistique de l’oeuvre à son « message ». Quand l’héroïne principale du film, la belle et troublante Chiara, seule femme membre du commando des Brigades rouges, nettoie des haricots ou repasse les vêtements d’Aldo Moro, « ennemi de classe », on comprend l’absurdité de « la cause » sans avoir besoin d’une image plus suggestive. De même, le contraste entre ce que l’on voit à l’intérieur de l’appartement où a été conduit Aldo Moro et ce qui se passe dehors, transmis via l’écran de la télévision, crée l’intensité dramatique de la lente marche vers l’assassinat.
En Italie, on a paradoxalement reproché à Marco Bellochio d’être trop indulgent avec les terroristes – dont il « comprend » l’idéalisme et le sens du sacrifice – et avec Aldo Moro – dont il montre, au-delà de son aspect de « canaille hypocrite catholique », les qualités humaines et le courage. C’est pourtant cette complexité des personnages et des situations qui confère toute sa valeur à ce film qui décrit mieux « les années de plomb » et la société italienne d’il y a un quart de siècle que tous les reportages qui leur ont été consacrés.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires