Katharine Gun, la mal nommée

Publié le 2 février 2004 Lecture : 2 minutes.

C’est une certaine Katharine Gun qui a découvert le pot aux roses. Et qui, à ses risques et périls, a choisi d’en informer notre confrère The Observer. Employée comme traductrice au QG de la communication du gouvernement Tony Blair, la jeune femme avait eu fortuitement connaissance d’un mémo transmis aux autorités britanniques par Frank Koza, patron de la section « cibles étrangères » à la National Security Agency (NSA), l’agence américaine chargée d’espionner les communications dans le monde entier. Les « grandes oreilles » de l’administration Bush, en somme.
Ce document porte la date du 31 janvier 2003. Quatre jours auparavant, Hans Blix, le chef de la mission onusienne en Irak, avait publié un « rapport intérimaire » concernant la recherche des armes de destruction massive que Saddam Hussein était censé dissimuler dans d’inavouables desseins. Au Conseil de sécurité, la bataille faisait rage entre partisans et adversaires d’une intervention militaire. D’un côté, les États-Unis et la Grande-Bretagne. De l’autre, la France, la Russie et la Chine. Entre les deux, vingt membres non permanents du Conseil instamment priés de choisir leur camp. On sait aujourd’hui que l’administration américaine n’a jamais eu la moindre intention de se plier à une quelconque résolution onusienne, mais enfin, elle eût volontiers nimbé l’opération d’une apparence de légalité internationale… Six pays, au moins, se montraient hésitants : Angola, Bulgarie, Cameroun, Chili, Guinée et Pakistan.
Dans son mémo, la NSA informait ses alliés britanniques qu’à New York les délégations de ces six pays avaient été placées sous étroite surveillance : courriels et communications téléphoniques étaient systématiquement interceptés. En toute illégalité. L’objectif était évidemment de découvrir leurs intentions de vote et, le cas échéant, de faire pression pour les modifier.
On sait ce qu’il advint. Assurés de ne pas obtenir la majorité requise, les États-Unis renoncèrent à soumettre au Conseil un projet de résolution. Quelques jours plus tard, leurs troupes envahissaient l’Irak. Une intervention que la naïve traductrice s’obstine à considérer comme une « faute morale ». Un an après, les pays opposés à la guerre s’efforcent, sans trop perdre la face, de rentrer dans les bonnes grâces de Washington et de grappiller quelques miettes du fabuleux pactole de la reconstruction de l’Irak. Et Katharine Gun, la mal nommée, est dans un sacré pétrin : elle a été licenciée, puis incarcérée. Accusée d’avoir enfreint l’Official Secrets Act, qui interdit la diffusion d’informations intéressant la sécurité nationale, elle encourt deux ans d’emprisonnement. « Je n’ai écouté que ma conscience », dit-elle. Dura lex, sed lex… Le chef du gouvernement britannique, qui a délibérément menti à ses compatriotes pour justifier son aventure irakienne, ne risque, en revanche, rien d’autre qu’une hypothétique sanction de ses électeurs.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires