Fantasmes et faits

Une étude démographique tord le cou à cinq idées bien ancrées dans la tête des Français .

Publié le 2 février 2004 Lecture : 2 minutes.

La France n’est pas un « pays d’immigration massive », le taux de fécondité n’y est pas « largement » tiré vers le haut par les familles immigrées, l’immigration irrégulière est certes indénombrable mais pas « innombrable », la statistique publique n’est pas « impuissante » à comptabiliser correctement les immigrés, accueillir l’immigration ne signifie pas accueillir la « misère du monde ». Sous la plume de son directeur François Héran, le bulletin Population et Sociétés daté de janvier et publié par l’Institut national d’études démographiques (Ined), tord le cou à cinq idées reçues sur l’immigration en France.
Selon l’étude, la France a bien été un pays de forte immigration après la Première Guerre mondiale. Le solde migratoire (la différence entre les entrées et les sorties de migrants), représentait alors les deux tiers de la croissance démographique. Mais depuis vingt-cinq ans, ce n’est plus vrai. L’Ined estime aujourd’hui à 65 000 les entrées nettes de migrants chaque année, alors que l’excédent du nombre de naissances sur celui de décès est de 200 000 personnes. En fait, la France « est devenue le pays d’Europe où la croissance démographique dépend le moins de l’immigration ». Le flux actuel d’immigrants dans l’Hexagone n’a rien à voir avec la situation que connaissent, par exemple, l’Allemagne, l’Italie, le Portugal ou l’Espagne, souligne François Héran. « Si la France a un sérieux problème d’intégration à résoudre, dans le système éducatif ou le marché du travail, cela concerne d’abord les enfants issus des grandes vagues migratoires ouvrières des années 1950-1974, parvenus à l’âge actif en temps de crise économique. »
Il n’y a aucune raison de penser que l’immigration irrégulière est innombrable, précise également le directeur de l’Ined. Le nombre de sans-papiers qui se sont manifestés lors des opérations de régularisation en 1982 (132 000) et en 1997-1998 (130 000) permet d’estimer à 13 000 le flux annuel de migrants irréguliers. Les sans-papiers s’étaient en effet établis au cours des dix années précédant ces opérations. Même si on majore ces estimations, l’immigration « reste régulière dans sa grande majorité ». Autre idée reçue battue en brèche par l’étude : la fécondité des immigrées qui serait très supérieure à celle des Françaises. « Dans la période 1991-1998, le nombre moyen d’enfants par femme était de 1,72 en métropole pour l’ensemble des femmes, et de 1,65 pour les Françaises natives », précise le démographe. Et comme les immigrées ne représentent qu’un douzième des femmes en âge d’avoir des enfants, elles ne peuvent « relever sérieusement le taux de fécondité général ».
Le bulletin de l’Ined fait enfin un sort à la vulgate associant les migrants provenant des pays du Sud à la « misère du monde ». Même si les enquêtes abouties restent peu nombreuses, les données existantes montrent que « les migrants représentent au sein de leur société d’origine une population sélectionnée : en meilleure santé, plus instruite, plus entreprenante, dotée d’un minimum de ressources pour payer le voyage et les frais d’installation – la mise en place de filières permettant seulement d’alléger le coût de la migration ». C’est donc plutôt la misère des États et son cortège de guerres, de privations et de dénis de liberté, qui poussent ceux qui le peuvent à protester avec les pieds.

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