Awad Ahmed el-Ghaz

Ministre soudanais de l’Énergie et des Mines

Publié le 2 février 2004 Lecture : 3 minutes.

Awad Ahmed el-Ghaz est indéboulonnable. D’abord ministre du Commerce en 1990, il est « ministre du Pétrole » du Soudan depuis 1995. Le secret de sa longévité ? Un tempérament chaleureux, des amitiés chez les militaires et, surtout, la confiance du président Omar el-Béchir. Au fil des ans, le pétrole lui a conféré un pouvoir très important. Et quand Jacques Chirac l’a reçu à l’Élysée le 20 janvier, nul doute que les deux hommes n’ont pas seulement parlé des cours du brent…

Jeune Afrique/L’intelligent : Quelles sont les ambitions pétrolières de votre pays ?
Awad Ahmed El-Ghaz : Nous produisons actuellement près de 300 000 barils/jour et visons 500 000 barils en 2005. Dans les zones que nous explorons, 80 % des forages sont concluants. C’est un taux de réussite très au-dessus de la moyenne. Le Sud n’est pas la seule région riche en pétrole, loin de là. Et nous espérons que le Soudan deviendra un jour l’un des plus gros exportateurs de pétrole au monde. Par ailleurs, nous développons notre industrie pétrolière. Nous allons construire sur la mer Rouge un port pour l’exportation des produits raffinés.

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J.A.I. : Le 7 janvier dernier, vous avez signé avec l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS) de John Garang un accord sur le partage des ressources pétrolières. Cet accord ne va-t-il pas encourager l’APLS à faire campagne pour la sécession lors du référendum d’autodétermination prévu dans six ans ?
A.A.E.G. : Pas du tout. D’abord, c’est un bon compromis. Les revenus provenant des puits du Sud seront partagés à 50-50 entre le gouvernement national et celui du Sud. Ensuite, nous sommes sur le point d’aboutir à un autre accord, sur le partage du pouvoir politique, au terme duquel John Garang sera sans doute vice-président. Enfin, je suis persuadé que les populations du Sud sont attachées à l’unité nationale. La preuve, depuis vingt ans, 90 % des gens déplacés par la guerre se sont installés au Nord. Cela dit, si les fils du Sud préfèrent la sécession, ils seront libres de choisir.

J.A.I. : Lors des derniers pourparlers, l’APLS a réclamé le rattachement au Sud de trois régions du Centre, dont celle d’Abyei, très riche en pétrole. êtes-vous prêt à l’accepter ?
A.A.E.G. : Non, ce n’est pas possible. En 1956, à l’indépendance, le découpage administratif hérité des Britanniques a été validé. Il indique que ces trois régions sont au Nord. En 2002, à la signature du protocole de Machakos, ce découpage a été accepté par l’APLS elle-même ! Cela dit, comme nous ne voulons pas prendre le risque d’un échec des négociations, nous proposons un compromis sur Abyei. L’administration de cette région pourrait être attachée directement à la présidence, c’est-à-dire à Omar el-Béchir et à son futur vice-président John Garang.

J.A.I. : À l’Ouest, le Darfour serait également très riche en pétrole. Est-ce la cause du conflit entre le gouvernement et deux mouvements rebelles ?
A.A.E.G. : Quelques anciens ministres limogés du gouvernement central sont à l’origine du problème. Nous avons apprécié les efforts de médiation du président tchadien Idriss Déby. Malheureusement, les groupes armés ont fait de la surenchère. Je tiens personnellement à régler cette question dans un très bref délai pour que, là aussi, nous puissions entreprendre des forages pétroliers.

J.A.I. : Les compagnies pétrolières américaines et françaises sont absentes du Soudan. Souhaitez-vous qu’elles viennent investir aux côtés des compagnies malaisiennes et chinoises ?
A.A.E.G. : Pour les compagnies américaines, cela ne dépend pas de nous. Comme vous le savez, dans le monde du pétrole, on voyage beaucoup. Je ne vois donc pas très bien comment nous pourrons signer avec une compagnie américaine tant que mon pays sera soumis à des sanctions de la part des États-Unis, et tant que tous les officiels soudanais – dont moi-même – seront interdits de séjour à Washington ! Pour la compagnie française Total, c’est tout à fait différent. Elle a déjà une concession au Soudan. Elle hésite à revenir avant la signature de l’accord de paix intersoudanais. Mais nous l’engageons à ne pas attendre cette échéance. Pendant ma visite à Paris, j’en ai d’ailleurs parlé avec le président Jacques Chirac. Et, à cette occasion, je lui ai transmis une invitation de mon gouvernement. J’espère que nous fixerons la date de sa visite dès ce mois de février, lors de la venue de Dominique de Villepin à Khartoum.

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