Armée de mots et de notes

La chanteuse mauritanienne Malouma bouscule les traditions.

Publié le 2 février 2004 Lecture : 2 minutes.

Elle s’appelle Malouma. C’est la fille de Moktar Ould Meïddah, une des mémoires de la musique maure traditionnelle. Depuis l’âge de 6 ans, la jeune bédouine chante. Elle a entraîné ses cordes vocales dans le désert. Quelque part à Charatt, près de Mederdra, dans le Trarza, sur les bords du fleuve Sénégal. Sa famille, les Meïddah sont iggiw, griots depuis des générations. Ainsi, dès son plus jeune âge, Malouma a imité les mouvements de bras et les claquements de langue. Des heures entières de répétitions. Son père la rappelait plusieurs fois par jour, pour lui faire reprendre une strophe ou une mélodie.
Depuis, pour voyager vers d’autres airs, elle s’est affranchie du carcan des louanges au maître qui maintient l’artiste dans la vassalité. Le chikr, texte poétique qui rend hommage au Prophète ou se moque du camp adverse, n’est plus sa préoccupation.
Et les trouvailles de Malouma sont audacieuses. À l’image de sa célèbre chanson « Habibi Habeytou ». Ce chant, fredonné comme une berceuse sous les tentes, est un hymne à l’amour. Sans gants : « Mon ami, je l’aime. Oui, je l’ai aimé. Il m’a marquée. » Les critiques ont fusé. La chanteuse a été traitée de folle, de marginale. Loin d’abdiquer, elle a récidivé avec un chant condamnant le divorce. Une coutume fréquente dans la société maure, où l’homme divorce très souvent de sa première épouse au profit d’une nouvelle, pas forcément plus jeune.
En 1992, Malouma a soutenu l’opposition lors de la présidentielle pour, disait-elle, « demander des comptes au gouvernement, auteur de crimes impunis ». Elle est depuis interdite de radio et de télévision. Seuls les Centres culturels français et marocain font résonner sa voix par-delà les dunes. En 2002, son fan-club a mobilisé près de huit mille personnes dans les rues de Nouakchott pour demander sa réhabilitation.
Aujourd’hui, Malouma a mis un peu de baume sur son ardin, l’agile harpe dont elle joue. La Moutribat el-Chaab, « l’artiste du peuple », enchaîne les tournées internationales : États-Unis, Égypte, Arabie saoudite… Elle admet l’existence de symphonies bluesy dans son répertoire. Dans son précédent album, Desert of Eden, elle a même osé une interprétation de « Sad Song » d’Otis Redding. « C’est notre musique. Le blues comme le jazz viennent d’Afrique. Pour les anciens, c’est de la musique maure ou peule, point barre ! » affirme Malouma.
Accompagnée des musiciens du Sahel Hawl Blues de Nouakchott, la chanteuse se félicite aussi de sa rencontre avec le musicologue algérien Camel Zekri. L’album Dunya (« Le Monde », Marabi, 2003) en porte les marques. Les savoureuses ballades sont soutenues par des percussions et des guitares acoustiques. Et le khal faghou, chant de guerre, côtoie avec harmonie le khal karr, rythme plus festoyant.
À présent, Malouma traque un rêve de star. Elle en a l’énergie et la volonté. Après tout, la diva capverdienne Cesaria Evora n’a conquis le coeur des mélomanes que sur le tard !

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