Sacre de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié
Près de trente ans après sa mort dans des conditions troubles, l’empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié demeure une figure majeure de l’histoire de l’Afrique. Descendant de la reine de Saba et du roi Salomon, fils du Ras Makonnen et de Wezero Yeshimebet Ali, neveu de l’empereur Ménélik II, Ras Tafari Makonnen est né le 23 juillet 1892 près d’Harar, à l’est d’Addis-Abeba. Dès l’âge de 13 ans, il se voit confier la responsabilité de la province de Gura Meleta. Élève brillant et volontaire, formé par des prêtres orthodoxes et catholiques, il est désigné comme héritier et régent, en 1916, par l’impératrice Zaouditou, après la mort de Ménélik II (1913) et la déposition de son petit-fils Lij Iyasu – accusé d’avoir « abjuré la foi chrétienne ». En 1923, un premier coup d’éclat fait connaître le jeune Ras Tafari au monde : il abolit l’esclavage et parvient à faire admettre l’Éthiopie au sein de la Société des nations. Un succès diplomatique d’autant plus remarquable que l’ensemble de l’Afrique courbe alors l’échine sous le joug colonial.
En octobre 1928, Ras Tafari Makonnen est proclamé négus (roi des rois) sous le nom de Haïlé Sélassié (« Force de la trinité »). Le 2 avril 1930, l’impératrice Zaouditou meurt. Sept mois plus tard, le 2 novembre 1930, Ras Tafari est couronné empereur. La cérémonie qui fait de lui Sa Majesté Impériale, empereur Haïlé Sélassié Ier, Lion conquérant de la tribu de Juda, élu de Dieu, roi des rois d’Éthiopie est grandiose. Le 1er novembre, le futur empereur érige une statue équestre de Ménélik II en face de la cathédrale Saint-George. Les rues d’Addis-Abeba ont été partiellement repavées, des lumières électriques installées, et les quartiers les plus sales sont nettoyés pour l’occasion. Le même jour, l’empereur et l’impératrice Menen sont conduits à la cathédrale dans une voiture décapotable, tandis que des valets de pied marchent derrière eux en tenant des ombrelles de velours rouge brodées d’or.
Après une nuit entière de veille dans la cathédrale, les invités étrangers arrivent pour assister au sacre du couple impérial. Il y a là les représentants de la couronne d’Angleterre, des rois d’Italie, de Belgique, de Suède, de la reine des Pays-Bas, des gouvernements français, allemands, américain, grec… et des milliers d’Éthiopiens qui assistent au couronnement sur le parvis de la cathédrale où rugissent quatre lions vivants enchaînés d’or. Cent coups de canon saluent l’événement ; les cloches des églises sonnent au- dessus des collines d’Addis-Abeba ; les femmes chantent ; les hommes applaudissent. Le magazine National Geographic a envoyé ses meilleurs reporters et photographes pour immortaliser l’événement. La dernière cérémonie du genre en Éthiopie.
La suite est connue : le règne d’Haïlé Sélassié est d’abord marqué par une série de réformes sociales, l’introduction d’une Constitution, la création d’un Parlement et d’un système judiciaire indépendant, des efforts de scolarisation de la population. Las ! En 1935, l’Italie envahit l’Éthiopie, et l’empereur, non sans avoir combattu, est contraint à l’exil au Royaume-Uni. Mais six ans plus tard, en mai 1941, le négus entre triomphalement dans Addis-Abeba.
Une nouvelle Constitution est promulguée en 1955 et le premier Parlement élu prend fonction en 1957. Au début des années 1960, l’empereur obtient qu’Addis-Abeba devienne le siège de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), créée en 1963.
En dépit des réformes, Haïlé Sélassié règne en despote. Ses dernières années sont ternies par des révélations sur la corruption de son régime. Lui-même est accusé d’enrichissement personnel. En 1974, il est renversé par un groupe d’officiers réunis au sein d’un Conseil national militaire, le Derg, et il meurt en 1975, vraisemblablement assassiné. Le dernier empereur éthiopien cède la place à une dictature d’inspiration marxiste, dominée par la triste figure du négus rouge, le colonel Mengistu Haïlé Mariam, chassé du pouvoir en 1991 et réfugié depuis au Zimbabwe.
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