Pascal Affi Nguessan

Président du Front populaire ivoirien (FPI).

Publié le 4 novembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique/l’intelligent : La communauté internationale a été émue par vos propos appelant au recours à la guerre, après le refus des Forces nouvelles (ex-rébellion) de commencer le désarmement à la date du 15 octobre
P.A.N. : La communauté internationale aurait dû s’émouvoir non pas de mes propos, mais de la situation dans mon pays. Je ne suis qu’un thermomètre qui reflète une Côte d’Ivoire mal en point, coupée en deux depuis plus de deux ans, et à la merci de rebelles qui participent à des négociations, signent des accords, pour ensuite faire tourner tout le monde en bourrique.
J.A.I. : Comment vous qui incarniez la modération dans l’entourage de Laurent Gbagbo en êtes-vous arrivé à préconiser la guerre ? Par peur d’être marginalisé par les « durs »
de votre camp ?
P.A.N. : Non, mais parce que nous avons devant nous des interlocuteurs qui n’ont rien
voulu comprendre au langage politique ou diplomatique. Le pays ne peut pas rester
éternellement occupé. Si seule la guerre peut repousser les assaillants qui martyrisent le nord de la Côte d’Ivoire, pourquoi ne la ferions-nous pas ? Si vous avez trois instruments, et en avez usé deux sans résultat, pourquoi vous priver d’utiliser le troisième ?
J.A.I. : Les Forces nouvelles disent vouloir désarmer, mais seulement après l’adoption des réformes politiques
P.A.N. : Nous disons, nous aussi, ne pas vouloir adopter des réformes sous la menace des armes. Nous refusons le braquage, l’extorsion de textes de loi. Ce n’est pas un point de vue nouveau. En mai 2003, j’ai conduit une tournée nationale et internationale de mon parti, expliqué qu’il faut que les armes soient rangées, pour créer la sérénité et les conditions psychologiques propices à la mise en place de réformes.
J.A.I. : Pouvez-vous assurer que les lois prévues par les accords de Marcoussis et d’Accra III seront votées une fois que les Forces nouvelles auront déposé les armes ?
P.A.N. : Bien sûr. Mais le vote se fera dans le cadre d’un débat parlementaire normal dans un pays démocratique. Avant d’adopter quelque loi que ce soit, tout Parlement l’examine, c’est-à-dire l’amende et l’améliore, le cas échéant. Dans la crise actuelle, il faut qu’on sache ce que l’on veut. Veut-on régler les problèmes par le dialogue, vertu de la démocratie ? Préfère-t-on recourir au terrorisme pour imposer n’importe quoi aux
représentants de notre peuple ?
J.A.I. : Pourquoi réclamez-vous la démission du Premier ministre ?
P.A.N. : Parce qu’il a échoué à traduire les différents accords signés en actes. Seydou
Diarra et son gouvernement de réconciliation nationale ont montré leurs limites. En l’état actuel des choses, seul le « gouvernement de sauvegarde nationale » que nous avons préconisé peut prendre les choses en main, pour mettre fin à ce surplace qui cause chaque jour davantage de dommages à la population.
J.A.I. : Que répondez-vous à ceux qui vous soupçonnent de vouloir faire partir Diarra pour reprendre le poste auquel il vous a succédé ?
P.A.N. : Il est ridicule de ramener l’enjeu fondamental qu’est la survie de la nation ivoirienne à des problèmes de poste.
J.A.I. : Accepteriez-vous de diriger le « gouvernement de sauvegarde nationale » que vous préconisez ?
P.A.N. : Oui, bien sûr. Ce régime est le mien. En tant que président du FPI, je me trouve
à un poste de combat. Si le chef de l’État me demande de m’en confier un autre, je
m’exécuterai. Je vous l’affirme sans faux-fuyants.Je ne peux pas me dérober devant une tâche qui permettrait de libérer mon pays.
J.A.I. : Qu’attendez-vous de la communauté internationale, à ce stade de la crise ivoirienne ?
P.A.N. : Je n’en attends sérieusement pas grand-chose. Nous ne savons plus quoi dire à cette communauté internationale, après avoir passé plus de deux ans à discuter avec elle. Ce que nous vivons actuellement en Côte d’Ivoire est imputable autant à l’échec du gouvernement de réconciliation nationale qu’à la faiblesse de la communauté internationale.
Cette crise m’a personnellement permis de comprendre jusqu’à quel point ce qu’on appelle « la communauté internationale » manque de consistance. Je suis peiné de découvrir qu’elle n’est que dans l’incohérence, la lenteur, le double jeu L’Organisation des Nations unies, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les autres intervenants ont montré dans notre pays leurs carences en matière de résolution
des conflits. C’est d’autant plus inquiétant que le problème ivoirien est simple, à mille
lieues des situations chaotiques qu’on a connues au Liberia et en Sierra Leone.

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