Palmarès de l’aide utile

Sept critères pour déterminer la « qualité » des actions engagées par les pays riches en faveur des nations pauvres.

Publié le 3 novembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Pays-Bas, Danemark, Suède aux trois premières places. Le palmarès 2004 de l’aide « utile », établi par le Center for Global Development (CGD) et le bimestriel américain Foreign Policy, consacre les pays nordiques pour la deuxième année consécutive. Ce Commitment to Development Index (CDI), un « Index d’engagement pour le développement », note les pays riches en fonction de la « qualité » de l’aide qu’ils apportent aux nations pauvres. Les critères sur lesquels le CGD fonde son classement sont au nombre de sept : aide étrangère, commerce, investissement, immigration, environnement, sécurité et technologie. Dans chacun de ces secteurs, chaque pays obtient une note, le total donnant le classement final.
Derrière le trio gagnant, on retrouve, à égalité, l’Australie et le Royaume-Uni. Suit le Canada devant un groupe de quatre pays (États-Unis, Allemagne, France, Norvège) qui occupe la 7e place ex aequo. L’Espagne et le Japon ferment la marche de ce classement qui compte vingt et un États.
Globalement, la plupart des pays donateurs ont distribué plus d’aide en 2002 (derniers chiffres disponibles) qu’en 2001. Ils ont également autorisé les pays pauvres à importer des médicaments génériques, permettant ainsi à l’Afrique subsaharienne de payer moins cher des antirétroviraux contre le sida. Mais les pays riches – États-Unis, Japon et France en tête – refusent encore de réduire fortement leurs subventions agricoles, provoquant ainsi une pression à la baisse sur les marchés des produits de base. De même, le refus des États-Unis de signer le protocole de Kyoto freine la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Selon le CGD et Foreign Policy, les pays riches ont intérêt à aider les nations pauvres. C’est bon pour leur sécurité et pour leur prospérité.

1 – Aide
On compare, en général, les pourcentages que représente l’aide étrangère dans le Produit intérieur brut (PIB) du pays donateur. Meilleures notes en 2004 : la Suède et le Danemark. Mais le CDI prend aussi en compte la « qualité » de cette aide. Si elle est « conditionnelle », la note baisse de 20 % : par exemple, si le pays aidé est tenu de dépenser l’argent qu’il reçoit pour acheter des tracteurs au pays donateur ou pour engager des consultants venus de ce pays. L’achat obligatoire de biens et d’équipement peut se révéler 15 % à 30 % plus onéreux que lorsque l’on fait jouer la concurrence. Le CDI salue aussi les États qui accordent des déductions fiscales encourageant les donations privées pour les actions de développement, ou appuient des pays du Sud peu corrompus et où l’aide est bien utilisée. En revanche, le CDI pénalise les donateurs qui dispersent l’aide. Ainsi, entre 2000 et 2002, la Tanzanie a eu droit à 1 371 projets d’aides. La Suisse, qui a engagé 21,7 millions de dollars dans 5 projets, s’est montrée plus utile que l’Irlande, qui a engagé à peu près la même somme dans 404 projets.

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2 – Commerce
L’agriculture représente entre 17 % et 35 % du PIB des pays en développement (PED), contre moins de 3 % dans les pays riches. Lorsque ces derniers imposent des droits élevés sur les produits agricoles étrangers et subventionnent leurs propres agriculteurs, ils « cassent » les marchés des PED. D’où, par exemple, la mauvaise note de la Norvège : son budget d’aide à l’étranger est généreux, mais ses droits de douane sont de vraies… barrières.

3 – Investissement
L’investissement étranger, s’il est mal programmé, peut encourager la corruption et la violence, sans aider au développement. Ce qui semble être le cas depuis cinq ans en Angola, où les capitaux pétroliers sont largement détournés. Alors qu’en Chine, en Inde et au Mexique les investisseurs étrangers ont non seulement apporté de l’argent, mais aussi favorisé les progrès techniques et permis d’améliorer le savoir-faire en matière de gestion. Le CDI récompense les pays dont la politique, notamment fiscale, encourage l’investissement utile. Les Pays-Bas sont les lauréats du classement.

4 – Immigration
L’émigration peut engendrer des retombées positives pour les pays en développement. Les émigrés gagnent plus dans leur pays d’accueil que chez eux et envoient de l’argent « à la maison ». L’Amérique latine et les Caraïbes ont ainsi reçu, en 2002, 32 milliards de dollars de leurs travailleurs émigrés, six fois ce qu’elles ont touché en aide étrangère. À l’inverse, la « fuite des cerveaux peut être une catastrophe », comme l’a été l’exode de leurs médecins pour le Ghana et l’Afrique du Sud. Les États-Unis, et surtout le Canada, sont les pays qui ont réservé le meilleur accueil aux émigrants, même provisoires, comme les étudiants.

5 – Environnement
Ont de bons points les pays qui veillent à la protection de l’environnement. La Suisse obtient la meilleure note parce qu’elle émet peu de gaz à effet de serre. La plus mauvaise va aux États-Unis.

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6 – Sécurité
Le CDI prend ici en compte les participations des pays aux opérations de maintien de la paix qui ont l’aval de l’ONU ou de l’Union africaine, ainsi que les actions humanitaires importantes. L’Australie, le Royaume-Uni et la Norvège sont très présents dans les actions de pacification. La Suisse et le Japon viennent aux derniers rangs, la première en raison de sa neutralité, le second en raison de l’interdiction des interventions militaires imposées par sa Constitution.

7 – Technologie
La plus importante contribution à long terme au développement des nations pauvres est venue des technologies nouvelles. Les vaccins et les antibiotiques ont fait gagner à l’Amérique latine et à l’Asie de l’Est en quarante ans des années d’espérance de vie. L’Internet est aujourd’hui à la disposition de tous. Pour évaluer le rôle joué par les gouvernements dans l’encouragement apporté à des innovations d’intérêt mondial, le CDI prend en compte les investissements dans la recherche et le développement.
Les investissements « R et D » dans la défense sont frappés d’une décote de 50 %, car ils augmentent plus, en général, la capacité de destruction des pays riches qu’ils n’augmentent la capacité de production des pays pauvres. C’est pourquoi les États-Unis, le pays qui consacre la part la plus importante de son PIB à la recherche-développement, ne se retrouvent dans ce secteur qu’à la septième place.

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Conclusion de Foreign Policy : dans l’Index 2004, comme dans l’Index 2003, il y a pour tous les pays riches considérés au moins un secteur où ils méritent une mauvaise ou une très mauvaise note. En dehors même du respect de la « dignité humaine », comme ces pays riches ont intérêt à ce que les pays pauvres le soient moins, ils devraient chercher à leur apporter une aide qui serait fondée non pas sur des calculs géopolitiques à courte vue, mais sur une estimation de leurs véritables besoins.

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