Interminable transition

Surenchères et marchandages sur le partage du pouvoir entre les différentes forces politiques compromettent les chances d’un retour rapide à la paix.

Publié le 3 novembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Le Burundi parviendra-t-il un jour à mettre en place un gouvernement d’union nationale digne de ce nom ? La période de transition, censée s’achever le 1er novembre 2004, a été prolongée de six mois au cours du sommet régional des chefs d’État réuni le 15 octobre à Nairobi (Kenya). Le numéro un ougandais, Yoweri Museveni, président de l’Initiative régionale des pays des Grands Lacs, ainsi que ses homologues Domitien Ndayizeye du Burundi, Mwai Kibaki du Kenya, Paul Kagamé du Rwanda, le nouveau président de Somalie Abdullahi Yusuf Ahmed et le vice-président sud-africain Jacob Zuma, ont entériné cette décision, imposée par les réalités du terrain. Il n’a pas été possible d’organiser, en temps et en heure, les élections générales, prélude à une nouvelle ère de paix garantie par un partage équitable du pouvoir.
L’Initiative régionale a retenu le nouveau calendrier proposé par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Celui-ci fixe désormais le scrutin présidentiel au 22 avril 2005. Dans l’intervalle, un référendum sur la Constitution post-transition devra avoir lieu le 26 novembre 2004, des élections locales le 9 février 2005, des communales le 23 février et des législatives le 9 mars. Mais le président de la Ceni, Paul Ngarambe, a prévenu que cet agenda n’était émis qu’à titre « indicatif », certaines dates étant susceptibles de changer si la situation financière ou sécuritaire du pays se modifiait.
En réalité, le Burundi semble loin de sortir de l’ornière dans laquelle la guerre civile l’a enfoncé. Le début de la crise remonte à 1993, lorsque des groupes hutus se rebellent contre le gouvernement après que l’armée nationale, dominée par les Tutsis, a assassiné le président hutu élu, Melchior Ndadaye. En onze ans, 300 000 personnes ont été tuées. Aujourd’hui, les combats ont cessé dans toutes les provinces burundaises, exception faite de Bujumbura Rural, zone proche de la capitale, mise en coupe réglée par le Palipehutu-FNL (Parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération).
Mais ce n’est pas cette dernière poche de guérilla qui complique beaucoup la vie politique burundaise. « Il semble plutôt que ce soient les hommes politiques eux-mêmes, dans leur acharnement à vouloir à tout prix exister sur la scène publique », commente, sous couvert d’anonymat, un fonctionnaire des Nations unies.
Le sort réservé au « plan de Nairobi » illustre parfaitement cette attitude. Celui-ci doit être soumis, pour accord, à l’actuel Parlement. Le projet de Loi fondamentale qui y est contenu, déjà approuvé par les parlementaires le 17 septembre, jouera alors de facto le rôle de Constitution intérimaire à compter du 1er novembre. Elle deviendra définitive si elle est adoptée par les Burundais lors d’un référendum. Mais les partis tutsis, conduits par l’Union pour le progrès national (Uprona) et regroupés sous le label de G10, ne sont pas d’accord. Ils rejettent la légitimité du sommet et, par conséquent, ses décisions. « Il n’y a rien, dans les accords d’Arusha [signés en 2000 et établissant le partage du pouvoir, NDLR] qui autorise l’élaboration d’une Constitution intérimaire », a déclaré le président de l’Uprona, Jean-Baptiste Manwangari. Le G10 s’apprête par ailleurs à soumettre sa propre copie à la Ceni, laquelle a déjà signifié qu’il ne relevait pas de sa compétence de statuer sur la validité de l’un ou l’autre texte.
Ce refus a entraîné une minicrise ministérielle. Par l’intermédiaire de son porte-parole, Pancrace Cimpaye, le président Domitien Ndayizeye a tancé ceux des membres du gouvernement qui refusent d’assister au Conseil des ministres, leur rappelant qu’ils ne sont pas au service de leurs partis, mais à celui de la nation. Il a répété que l’objectif du pouvoir est de proposer une Constitution, pas de l’imposer, et c’est justement à ce dialogue que les partis tutsis sont invités. Les accords d’Arusha ont réglé le partage du pouvoir de la façon suivante : à l’Assemblée nationale, 60 % des sièges sont attribués à des Hutus, 40 % à des Tutsis. Deux postes sont occupés par des Twas (2 % de la population).
Au gouvernement, les portefeuilles sont alloués aux deux ethnies principales selon la même clé de répartition. Quant au Sénat, il est moitié hutu, moitié tutsi, avec trois sièges pour les Twas. La période de transition était prévue pour durer trois ans, divisée en deux mandats présidentiels de dix-huit mois. Le premier a été effectué par le major Pierre Buyoya, tutsi, leader de l’Uprona, qui conservait ainsi le fauteuil présidentiel qu’il avait conquis par un coup d’État en 1996. Son vice-président était Domitien Ndayizeye, hutu, responsable du parti Frodebu.
Cette solution de sortie de crise, mise au point entre 2000 et 2001 par Nelson Mandela, est apparue satisfaisante jusqu’à ce que l’Uprona, chef de file du G10, estime préférable que les différents sièges soient attribués non plus en fonction du poids démographique de chaque ethnie, mais également en fonction de l’importance de chaque parti.

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