Bisbilles onusiennes
Pour la première fois depuis que le dossier du Sahara occidental lui est soumis, la commission de l’Assemblée générale des Nations unies chargée de la décolonisation a dû, le 18 octobre, procéder à un vote pour départager l’Algérie et le Maroc. Même si la première s’est défendue d’être partie prenante dans le conflit, c’est elle qui a pris le plus souvent la parole pour défendre la cause de la République arabe sahraouie démocratique (RASD).
Comme à l’accoutumée, la commission a d’abord examiné la situation dans quelques-uns des seize territoires non indépendants (Gibraltar, Nouvelle-Calédonie, îles Malouines, etc.) et soumis des projets de résolution à l’Assemblée générale. C’est alors que l’affaire du Sahara occidental est arrivée sur le tapis. Le président de la commission, le Birman Kyaw Tint Swe, a échoué à rapprocher les points de vue. Peut-être a-t-il été handicapé par le fait que son pays est favorable à la RASD…
Au centre de la discussion : un projet de résolution présenté par vingt pays recommandant à l’Assemblée générale de soutenir « fortement » l’application du « plan Baker ». En apparence anodin, ce projet, selon le Maroc, mettrait un terme à la recherche d’autres solutions et bloquerait la mission du Péruvien Alvaro de Soto, le nouveau représentant spécial du secrétaire général de l’ONU.
Le plan Baker (du nom de James A. Baker III, ancien secrétaire d’État américain et envoyé personnel de Kofi Annan) prévoit d’organiser un référendum d’autodétermination à l’issue d’une période d’autonomie, sous souveraineté marocaine, de quatre ans. Les habitants du Sahara auront alors le choix entre trois options : l’indépendance, l’intégration au Maroc ou l’autonomie.
Ce plan a été accepté par le Front Polisario mais rejeté par le Maroc, qui propose désormais de négocier seulement un « statut final d’autonomie ». Toute tentative d’appliquer le plan Baker, pourtant approuvé par le Conseil de sécurité en juillet 2003 (résolution n° 1495) est inacceptable à ses yeux. Et c’est précisément ce qu’Abdallah Baali, le représentant algérien, entendait démontrer à la commission. Pour cela, il a ressorti des arguments maintes fois entendus accusant le Maroc d’être une puissance coloniale et d’ignorer la légalité internationale (autrement dit : plusieurs résolutions du Conseil de sécurité et un arrêt de la Cour internationale de justice, en 1975). Plusieurs délégués l’ont soutenu, ainsi que quelques congressistes américains et une douzaine d’ONG « amies » du peuple sahraoui.
Mohamed Bennouna, le représentant marocain, a tenté de dénoncer le parti pris de son collègue, mais en vain, malgré le soutien de l’Union européenne (représentée par les Pays-Bas) et de plusieurs pays amis, tous partisans d’une « solution politique négociée ». Le représentant américain s’est déclaré inquiet de la tournure prise par les débats et a préféré s’abstenir, tout en se déclarant favorable au… plan Baker. Une médiation entreprise, entre le 12 et le 14 octobre, par l’Union européenne a échoué : son projet de résolution favorable à la poursuite des négociations et à la mission d’Alvaro de Soto n’a même pas été soumis au vote.
Reporté au 18 octobre, le vote du projet algérien a divisé la commission en trois camps : les partisans de la RASD (52 pays), les abstentionnistes (89, y compris le Maroc) et les « déserteurs » (48), qui ont refusé de prendre part au vote. C’est notamment le cas du représentant du Cameroun, qui, comptant des amis dans les deux camps, aurait préféré une solution de consensus… Les membres du Conseil de sécurité sont, eux aussi, divisés : la Russie et la Chine ont voté pour, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni se sont abstenus.
Parmi les partisans de la RASD figurent de nombreux micro-États, mais, hormis l’Algérie, aucun pays arabe. L’UE et l’ensemble du Moyen-Orient (Israël et Turquie compris) se sont prononcés pour le Maroc ou n’ont pas pris part au vote.
Bref, le conflit du Sahara s’enlise dans le statu quo : administration marocaine totale et présence onusienne symbolique (203 militaires et 29 civils). Celle-ci dure depuis 1991, aux frais de la communauté internationale. La mission onusienne coûte en effet 3,7 millions de dollars par mois…
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