Russie-Afrique : vente d’armes, mercenaires et agents d’influence… Comment le Kremlin place ses pions
Moscou est de retour sur le continent. Jeune Afrique décrypte la stratégie russe de cette conquête en carte et en infographies.
Après un désengagement brutal du continent africain suite à la chute de l’URSS, la Russie s’attèle depuis les années 2000 à y regagner son influence. Le pays, qui possède un PIB équivalent à celui de l’Espagne, commerce encore relativement peu avec l’Afrique – dix fois moins que la Chine ou l’Europe, et n’est pas non plus un grand pourvoyeur d’aide au développement. Il n’en est pas moins parvenu à acquérir une certaine emprise, en utilisant ses meilleures cartes, quitte à jouer avec ses propres règles, pour atteindre ses objectifs.
Depuis 2018, les échanges commerciaux n’ont cessé d’augmenter entre la Russie et les pays du continent. Dans le même temps, les visites diplomatiques se sont multipliées, tout comme la signature d’accords bilatéraux sur des sujets stratégiques, notamment dans le domaine militaire. Moscou est devenu le premier exportateur d’armes en Afrique, mais aussi de blé. Les entreprises publiques russes interviennent également dans les secteurs miniers, dans les hydrocarbures et même dans le domaine du nucléaire civil.
Mercenaires et désinformation
L’influence russe n’est pas la même partout. Elle est particulièrement prégnante en Libye, en Centrafrique, au Soudan et, depuis quelques mois, au Mali. Chaque fois, Moscou a mis en place une « agile combinaison d’interventions mercenaires et de campagnes de désinformation pour soutenir des dirigeants isolés ou des mandataires », résume Joseph Siegle, chercheur au Centre d’études stratégiques de l’Afrique. Le déploiement des mercenaires de la société privée Wagner au Mali en est l’incarnation la plus récente et la plus spectaculaire.
Par ailleurs, la visite du numéro 2 du gouvernement soudanais, le général Mohammed Hamdan Daglo, à Moscou, la veille de l’invasion de l’Ukraine, le 23 février, a permis de relancer un projet auquel le Kremlin tient tout particulièrement : la création d’une base navale russe sur les côtes soudanaises, à l’embouchure de la très stratégique mer Rouge.
Cette offensive trouve un écho jusqu’au sein de l’ONU, où Moscou a déployé des efforts considérables pour courtiser les « votes » africains. Ainsi, les A3 (sièges tournants africains à l’ONU) et la Russie se sont mutuellement soutenus contre l’examen des résultats contestés des élections en République démocratique du Congo en janvier 2019 et ont bloqué, en avril de la même année, une déclaration condamnant le coup d’État au Soudan, puis une proposition de cessez-le-feu en Libye. Une stratégie payante. Le 24 mars dernier, lors du vote de la résolution « exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine » – la seconde en un mois – , outre l’Érythrée, qui a voté contre, sur les 54 pays africains, 20 se sont abstenus, et 6 n’ont pas voté.
Pour mieux comprendre comment Moscou, en seulement quelques années, est parvenu peser à nouveau sur le continent, Jeune Afrique a dressé la cartographie croisée des intérêts russes en Afrique, des ventes d’armes à l’exploitation des ressources minières, en passant par la manière dont la Russie s’appuie sur des relais puissants jusqu’au plus haut niveau des gouvernements de certains pays.
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