Un parfum de dialogue

Contre toute attente, le pouvoir et l’opposition ont engagé des discussions en vue de garantir la bonne tenue du scrutin présidentiel de décembre.

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 4 minutes.

A moins de quatre mois de l’échéance présidentielle de décembre 2003, le dialogue politique semble reprendre en Guinée. Les partis de la Coordination de la mouvance présidentielle (CMP) et ceux de l’opposition regroupés au sein du Front républicain pour l’alternance démocratique (FRAD) se sont retrouvés pour former, le 25 août, au palais du Peuple (siège de l’Assemblée nationale), un comité technique chargé de définir un cadre de discussion. Objectif : trouver un accord sur « des garanties minimales à même d’assurer l’égalité de chances des candidats et la transparence de la future présidentielle ».
Il a fallu de nombreuses tractations souterraines pour réunir autour d’une table des acteurs politiques qui ne s’étaient plus parlé depuis l’éclatement du Haut Conseil aux affaires électorales, organe paritaire de supervision de l’élection présidentielle du 14 décembre 1998. En faisant sauter le verrou constitutionnel qui obligeait le chef de l’État, Lansana Conté, à quitter le pouvoir en décembre 2003, après deux quinquennats successifs, le référendum du 11 novembre 2001 avait creusé un peu plus le fossé entre le pouvoir et l’opposition.
Si la méfiance reste de mise, le mur entre les deux camps commence à se fissurer. À la suite des « voyages d’étude des processus électoraux » en Sierra Leone et au Mali organisés en mai dernier par l’ambassade du Canada à Conakry, les émissaires du Parti de l’unité et du progrès (PUP, au pouvoir), du Parti démocratique de Guinée-Rassemblement démocratique africain (PDG-RDA), de l’Union des forces républicaines (UFR), de l’Union du peuple de Guinée (UPG), du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) ont préparé à l’intention du gouvernement guinéen, le 23 mai 2003 à Bamako, un document intitulé « Synthèse des leçons et plate-forme minimale de relance de la concertation politique ». Ils y évoquent le manque de confiance entre les partis et la nécessité d’un véritable dialogue politique. Et terminent par une recommandation : la création d’un Comité interministériel chargé de rechercher le consensus de toutes les forces en présence, afin de parvenir à une élection présidentielle transparente et pacifique. Une façon d’exprimer leur défiance à l’égard de Moussa Solano, ministre de l’Administration du territoire, chargé des élections, dont les rapports avec l’opposition se sont détériorés depuis les législatives boycottées du 30 juin 2002.
Contre toute attente, le président Lansana Conté a suivi la recommandation et signé le décret 2/2003/004 du 22 juillet 2003 créant un Comité composé de cinq ministres (Sécurité, Justice, Finances, Communication et Administration du territoire). Celui-ci a immédiatement pris contact avec les partis, les associations de la société civile et les ordres professionnels (avocats, architectes, notaires, experts-comptables…). Une première rencontre entre ces différentes structures a eu lieu le 18 août. Elle a débouché sur une sorte de groupe ad hoc formé par les organisations non politiques, et visant à rapprocher les positions du pouvoir et celles de l’opposition sur la future présidentielle.
Après s’être donné pour porte-parole Abdoul Kabélé Camara, bâtonnier de l’ordre des avocats depuis juillet 2002, le groupe a rencontré l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR) de Siradiou Diallo le 21 août, puis, le lendemain, le FRAD, afin de recueillir les griefs et exigences de l’opposition. Avant de s’entretenir avec la mouvance présidentielle, le 28 août, par le truchement du parrain national du PUP, Fodé Soumah.
Camara et ses amis se sont heurtés aux réserves des partis d’opposition. Ceux-ci accusent le pouvoir de duplicité, prétendant notamment avoir été « roulés » à l’occasion de la dernière présidentielle de décembre 1998, bien qu’ils aient consenti à participer au HCE, et réaffirment leur hostilité à toute forme de discussion avec Moussa Solano. Ils posent des préalables « non négociables » à la poursuite du dialogue politique : l’accès équitable de tous les partis aux médias publics, la libéralisation des ondes, la possibilité pour tous les leaders de mener une campagne sans entrave à travers tout le pays…
Face à une tâche qui s’annonce des plus ardue, les « médiateurs » se déclarent, par la voix de leur porte-parole, au-dessus de tout soupçon de partialité : « Nous sommes à équidistance entre l’administration, le gouvernement et l’opposition. »
De réelles sources d’incertitude subsistent. Le contexte politique guinéen est marqué par une suspicion entre les protagonistes et par une défiance à l’égard de la société civile. On est forcément classé de tel ou tel côté. Ainsi, Camara a fort à faire pour convaincre ses interlocuteurs de sa neutralité. Ce « diaspo » (Guinéen arrivé de l’étranger après la mort du dictateur Sékou Touré), anciennement magistrat au Sénégal, n’est pas, à 53 ans, un homme neuf. De retour dans son pays, il a milité au Parti de l’unité et du progrès et a été l’un de ses députés au cours de la législature précédente.
Autre obstacle au dialogue : la surenchère entre un pouvoir qui ne veut afficher aucun signe de faiblesse, et une opposition maximaliste qui maintient une exigence à laquelle le palais de Sékhoutouréya est formellement opposé : la création d’une commission électorale nationale indépendante.
Les partenaires en développement du pays hésitent encore à soutenir le processus. Au cours d’une rencontre informelle avec des membres du groupe ad hoc, le 20 août, l’Union européenne et le Canada ont exprimé le souhait de voir se créer une structure neutre chargée de chapeauter le processus électoral jusqu’à la proclamation des résultats.
Mais la plus grande incertitude porte sur ce que le camp présidentiel est prêt à lâcher pour éviter une reproduction du fiasco électoral de juin 2002. Un tel scénario prolongerait l’attentisme des bailleurs de fonds et accroîtrait les menaces sur un équilibre fragilisé depuis neuf mois par la maladie du président Lansana Conté.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires