Un colonel inconnu prend le pouvoir à Tripoli

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Depuis les émeutes du mois de janvier 1964, le royaume de Libye est sur un volcan. Seule richesse du pays, le pétrole ne profite qu’à une poignée de privilégiés. Quelque trente mille étrangers, britanniques notamment, monopolisent les postes clés, règlent le travail quotidien des ministères et mènent grand train. Baasistes, Frères musulmans et nassériens s’agitent. Victime de la pauvreté, du chômage, de la malnutrition et de toutes sortes maladies, le peuple affiche de plus en plus ouvertement son désir d’en finir avec la monarchie. La révolution est dans l’air. Et la défaite des forces arabes face à l’armée israélienne, en juin 1967, n’arrange évidemment pas les choses….

En cette année 1969, le roi Idriss est fatigué. Il ne verrait pas d’inconvénient majeur à abdiquer, mais Hassan Ridha, le prince héritier, s’accroche. Le vieux monarque entreprend alors un long périple en Grèce et en Turquie. Il emmène avec lui un aréopage de courtisans plus soucieux de cures thermales que des affaires de l’État. Réduite à sept mille hommes encadrés par une poignée d’officiers britanniques, l’armée n’est plus qu’un paravent dérisoire… Le pouvoir est à terre. Il suffit presque de se baisser pour le ramasser.

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Respectivement conseiller privé du roi et chef du Comité de réorganisation de l’armée, les frères Omar et Abdelaziz Chelhi complotent-ils avec le Foreign Office en vue de l’instauration d’un protectorat britannique ? La rumeur s’en fait de plus en plus insistante. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, un groupe de jeunes officiers neutralisent les bases américaines et britanniques, ainsi que les forces parallèles qui continuent de soutenir la monarchie. Les officiers supérieurs et les personnalités civiles les plus compromises avec le régime sont arrêtés. Tous se rendent sans résistance. Le prince héritier est quant à lui placé en résidence surveillée. À Tripoli et à Benghazi, les édifices publics stratégiques sont occupés. À 5 heures du matin, les insurgés sont maîtres du pays. Vers 6 h 30, la radio annonce le renversement de la monarchie et la prise de pouvoir par les « Officiers unionistes libres », sans aide extérieure et sans qu’une goutte de sang ait été versée.

Qui sont ces mystérieux putschistes ? Leur premier communiqué lève un coin du voile : « Ton rêve socialiste, ton rêve de liberté et d’unification se réalise aujourd’hui. Peuple libyen, c’est pour ton honneur, pour te rendre la patrie qu’on t’avait volée que nous nous sommes révoltés ; pour hisser haut l’étendard arabe. Relève la tête, frère libyen, tiens-toi à nos côtés avec détermination, marche à la victoire dans le cortège de la Révolution. » Le même jour, dans l’après-midi, un Conseil de la Révolution se proclame seule instance responsable de la « République arabe de Libye » et affirme sa solidarité avec l’ensemble du Tiers Monde.

La Cyrénaïque, traditionnellement hostile au roi, les tribus bédouines et la bourgeoisie tripolitaine se rallient au mouvement. L’Égypte de Nasser, le Soudan de Nimeiri, la Syrie d’Atassi, l’Algérie de Boumedienne et les organisations palestiniennes envoient des messages de félicitation et de soutien. Idriss, qui séjournait à Volos, en Grèce, décide de se réfugier en Égypte, où il avait déjà trouvé asile, dans sa jeunesse.

Les chancelleries étrangères devront attendre plusieurs jours avant de découvrir l’identité du chef du mouvement. Il s’agit d’un jeune (28 ans) lieutenant inconnu, disciple de Nasser, dont la beauté et l’éloquence, déjà, forcent l’admiration. Son nom : Mouammar Kadhafi. Proclamé, deux jours plus tard, chef du Conseil de commandement de la Révolution (CCR), qui comprend douze officiers, ce dernier abandonne l’apparence du pouvoir à un éphémère gouvernement dirigé par un civil, le Dr Mahmoud al-Maghrebi. Mais dès le mois de janvier suivant, Kadhafi se proclame Premier ministre et chef des forces armées. La nationalisation des banques, le démantèlement des bases britanniques et américaines et la confiscation de tous les biens appartenant à des Italiens achèvent bientôt sa mainmise sur le pays. Tour à tour chef de l’État et Guide de la Révolution, il dirigera son pays d’une main de fer, n’hésitant pas à aider, grâce à la manne pétrolière, les mouvements « révolutionnaires » à travers le monde. Trente-quatre ans plus tard, son règne dure toujours.

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