Sommet de la francophonie : « Construisons un nouveau modèle solidaire à Djerba »

Repenser notre manière de coopérer pour aller vers plus d’efficacité et répondre aux défis du temps présent : tel doit être l’objectif du 18e sommet de l’OIF, prévu en Tunisie en novembre prochain. Une ambition qu’il convient de rappeler, en cette Journée internationale de la Francophonie, le 20 mars.

Houmt Souk, chef-lieu administratif de l’île de Djerba. © Pierre GLEIZES/REA

Rayed Chaibi© Olivier Denis Rayed Chaibi
© Olivier Denis
  • Rayed Chaïbi

    Président de l’Association pour la promotion de la coopération et de l’amitié entre la France et la Tunisie (APCAFT)

Publié le 20 mars 2022 Lecture : 4 minutes.

Les 19 et 20 novembre prochain se tiendra le 18e sommet de la Francophonie, sur le joyau bleu de la Tunisie : l’île de Djerba « la douce », carrefour de civilisations, terre multiconfessionnelle et trésor patrimonial.

Les chefs d’État et de gouvernement qui s’y rendront verront la richesse de son artisanat et de ses habits traditionnels, tout comme ils pourront admirer la diversité de la civilisation qui caractérise cette terre de tolérance où se côtoient la mosquée Fadhloun de Midoun, la synagogue de la Ghriba à Erriadh et l’Église Saint-Joseph de Houmt Souk.

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Une fierté bienvenue

Aussi ne pouvons-nous qu’être fiers que le dossier de candidature de l’île de Djerba ait été acceptée par les instances de l’Unesco pour une éventuelle inscription au patrimoine mondial. Fiers, car, dernièrement, tout n’aura pas été simple pour la Tunisie et son joyau bleu, qui ont fait face à une crise sanitaire sans précédent à l’été 2021, ainsi qu’à ses conséquences humanitaires et institutionnelles.

En effet, le pays a été durement frappé par le Covid-19 et ses dramatiques répercussions : pénurie d’oxygène, hôpitaux surchargés, saturation des lits de réanimation et, surtout, plus fort taux de mortalité en Afrique au mois de juillet 2021. Des problématiques qui sont venues s’ajouter aux graves difficultés économiques et sociales existantes : un taux de chômage de 18 %, la chute du tourisme – un secteur vital pour Djerba, et qui représente 14% du PIB du pays –, sans oublier la fuite des jeunes qui prennent la mer pour tenter de rejoindre l’île voisine de Lampedusa, à bord « d’embarcations de la mort ».

En réponse à ces épineux défis, la Tunisie a engagé un dialogue direct avec son peuple à travers une consultation nationale qui conduira à un référendum constitutionnel le 25 juillet 2022, puis à des élections législatives le 17 décembre de la même année.

Cette démarche innovante et inclusive fait écho aux valeurs portées par la francophonie, telles que « l’instauration et le développement de la démocratie », inscrite à l’article 1 de sa charte.

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Nous devons également garder à l’esprit les objectifs de cette charte adoptée à Antananarivo le 23 novembre 2005 : prévention, gestion et règlement des conflits, soutien à l’État de droit et aux droits de l’homme, intensification du dialogue des cultures et des civilisations, rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle, renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatérale en vue de favoriser l’essor de leurs économies, promotion de l’éducation et de la formation.

Dix-sept ans plus tard, ces objectifs sont plus que jamais d’actualité au regard du contexte international, et ne doivent pas rester lettre morte; ils doivent être visibles, ressentis et concrétisés par des actes.

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Un important levier de développement

Le sommet de Djerba doit être l’occasion de définir ensemble les réponses à apporter aux problématiques liées aux différentes crises rencontrées, tout en faisant de la francophonie un levier concret de développement.

Parce que l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ne pourra à elle seule faire face aux défis de notre époque, nous devons agir à ses côtés, sur le terrain, afin d’apporter des réponses concrètes pour le développement économique, l’inclusion, le numérique – particulièrement l’intelligence artificielle –, la solidarité décentralisée, l’éducation pour tous, l’accès à la santé, la transition écologique durable et solidaire ou encore le dialogue pour la prévention des conflits.

La solidarité francophone se doit d’être plus audible

À l’aune de la guerre à l’est de l’Europe – dont les impacts économiques et sociaux se feront inexorablement sentir sur tous les continents –, la solidarité francophone se doit d’être plus audible et plus tangible.

Le sommet de Djerba devrait ainsi être l’occasion rêvée de souligner une nouvelle fois l’importance que la Francophonie accorde au dialogue et à la médiation interculturels, comme elle l’a prouvé en incitant l’Unesco à adopter une résolution en faveur de l’alliance de l’universalité et de la diversité.

Ce dialogue et cette médiation interculturels sont consubstantiels à l’émergence des bassins de vie et des zones économiques que constitue l’espace francophone. Mais, pour répondre efficacement à ces crises et atteindre ces objectifs, il faut repenser notre manière de coopérer et d’investir. Nous devons aussi conjuguer nos énergies pour développer une « action multilatérale » dans une francophonie ouverte et inclusive.

Nécessaire multilatéralisme

Cette « action multilatérale », c’est la synergie indispensable entre l’OIF et ses États membres des cinq continents, ainsi que les institutions internationales, les organisations de la société civile, les associations professionnelles, les acteurs du monde économique et académiques ou encore les collectivités territoriales.

Mettre en place cette  « action multilatérale », c’est tendre  à un partenariat plus juste et plus équitable,  à l’échelle locale, entre acteurs étatiques et non étatiques, entre secteur public et secteur privé, de sorte à accompagner les mutations économiques, sociales, environnementales et éducatives.

La puissance économique de la  francophonie doit être amplifiée. Elle doit aussi s’ancrer dans les territoires, afin d’agir avec efficacité pour, avec et auprès  de ces hommes, ces femmes, cette jeunesse, ces seniors, qui savent innover, créer, produire ou transformer.

C’est grâce et avec  ces forces vives que nous pourrons construire cette francophonie économique, vecteur de croissance, « cet empire de l’esprit et de l’intelligence sur lequel le soleil ne se couche jamais », comme le disait le président Habib Bourguiba lors de son discours de Montréal du 11 mai 1968. Nous serons fidèles à ce que le président Senghor qualifiait « d’instrument de symbiose qui doit renforcer notre coopération culturelle et technique malgré nos différentes civilisations », et nous pourrons porter haut et fort cette parole du président Diori : « c’est par l’évolution de la femme que l’on fait évoluer tout un pays. »

Le temps d’un sommet, 300 millions de regards se tournerons vers l’île de Djerba, qui sera alors la capitale de la francophonie solidaire !

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