Thriller berbère

On retrouve Catherine Simon sur la piste d’un meurtrier qui signe avec du pain et des roses. Une intrigue à rebondissements.

Publié le 2 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Elle finira bien par nous devenir aussi familière que Miss Marple ou Hercule Poirot, cette Emna Aït Saada, surnommée Sherlock’ouscous par sa petite-nièce. Après Un baiser sans moustache (« Série noire », Gallimard, 1998), voici qu’on la retrouve, telle qu’en elle-même, dans Du pain et des roses, polar alerte qui se lit d’un trait. À peine débarquée à Lyon pour assister à un congrès d’archéologie, elle se chope un méchant virus. Ce qui, entre deux visites à l’hôpital, lui laisse quelques loisirs. Ça tombe bien : le mari de sa nièce Nora, le peu sympathique Kamel, vient de passer l’arme à gauche dans des circonstances troubles. On ne lui connaissait pas d’ennemis, pourtant, à part tous les Arabes oppresseurs (il est kabyle militant), les islamistes et le FLN… Mais pourquoi trouve-t-on des roses et du pain à côté de son cadavre ? Et pourquoi découvre-t-on, quelques jours plus tard, la même « signature » à côté du cadavre de Serge Biraud, descendant ignoble d’une famille de pieds-noirs installés à Lyon après la fin de la guerre d’Algérie ?
Le livre policer a ses lois. La plus constante est de nous dépêcher, pauvres lecteurs, sur de fausses pistes, quitte à revenir bredouilles, la pipe sous le bras, en secouant la tête. Ainsi (avouez !) à lire les mots « Kabyle », « pieds-noirs », « Algérie », votre religion était faite, n’est-ce pas ? Il devait y avoir là-dessous de sombres histoires de terres contestées, de fermes spoliées, de vendetta remontant au père Bugeaud ? Mais c’est que vous n’avez pas assez réfléchi au titre : du pain et des roses. Bread and roses ! De quoi s’agit-il ? En 1912, une grève éclate dans une usine de textile d’une petite ville du Massachusetts. Les ouvrières, des femmes d’origine italienne, polonaise, russe et lituanienne y participent activement. Bravant le froid, elles fournissent les piquets de grève. Leurs banderoles réclament « du pain et des roses », c’est-à-dire, au-delà du minimum vital, le droit au bonheur, à l’art, à la vie, à la douceur des choses. Un écrivain de l’époque, James Oppenheimer, en fait un poème qui deviendra un hymne au féminisme. Aïe ! Je vous en ai trop dit. Ai-je aussi laissé échapper, par inadvertance, que Kamel battait sa femme et qu’il était un peu mac sur les bords ? Bon, il faut que je m’arrête. Comment parler d’un roman policier sans en révéler la clé, ce qui du coup rendrait inutile sa lecture ? Ce serait dommage : on passe un sacré bon moment avec Emna, archéologue de choc – hommage à Agatha Christie, qui en avait épousé un ? – qui a la dalle en pente. Jamais je n’ai autant bu, par personnage interposé, qu’en lisant ce livre…
Les puristes rechigneront : le polar, est-ce bien de la littérature ? Éternel débat, auquel l’entrée de Simenon dans la « Pléiade », cette année, n’a pas encore mis fin. Il faut dire que Catherine Simon est une digne émule de l’homme au dix mille femmes et aux quatre cents romans : style sec, sans fioriture, où les adverbes sont aussi rares que les subordonnées. Parfois, tout un chapitre est fait de dialogues, comme si l’auteur transcrivait une conversation enregistrée à l’insu des protagonistes. On est loin de Chateaubriand. Mais, le style en moins, un polar, c’est aussi des Mémoires d’outre-tombe…

Du Pain et des roses, de Catherine Simon, Éditions de l’Aube, 2003. 212 pp., 17 euros.

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