Retour à Niamey

En dix ans, le pays et sa capitale n’ont guère changé. Sauf sur le terrain politique, où les joutes ne manquent pas de sel.

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Le visiteur qui débarque à Niamey, après dix années d’absence, ne risque guère d’être dépaysé. Le temps semble, en effet, s’être figé dans cette métropole sahélienne dont les habitants – les hommes, pas les femmes, toujours aussi belles à ravir – paraissent constamment sous contrôle. L’aéroport international Hamani-Diori est, plus que jamais, dépouillé et austère, son tarmac désespérément vide. Il y a quelques mois encore, il n’y avait en tout et pour tout qu’un seul vol hebdomadaire d’Air France reliant directement la capitale nigérienne à Paris. À l’approche des vacances scolaires, cette fréquence a, le 18 juin dernier, été portée à trois.
Après un rapide tour dans la ville, un constat s’impose : aucun immeuble administratif d’importance n’est sorti de terre depuis la période faste du boom de l’uranium, il y a une trentaine d’années. Les grandes artères, sans cesse sillonnées par des véhicules brinquebalants, sont toujours aussi défoncées. Ingra, une entreprise croate chargée de procéder à la réfection de certaines d’entre elles pour « un coût défiant toute concurrence », a, contrairement aux attentes, contribué à rendre impraticables certains boulevards. Beaucoup d’habitants de Niamey, le président de la République Mamadou Tandja en tête, ont dû abandonner leurs semelles sur l’asphalte en se risquant à pied sur ces artères goudronnées. Résultat : le chantier a été retiré aux Croates pour être confié à une entreprise française.
Quelque peu isolé, y compris sur la scène ouest-africaine, où sa discrétion, notamment dans les crises ivoirienne et libérienne, n’a échappé à personne, oublié du reste du monde et des grands médias (si l’on exclut, bien entendu, cette histoire de vente d’uranium bidon à l’Irak de Saddam Hussein, voir J.A.I. n° 2219), obligé de s’en remettre à l’aide internationale pour sa survie, le Niger fait pourtant son petit bonhomme de chemin. C’est une démocratie qui respecte peu ou prou le principe de séparation des pouvoirs. Plusieurs dizaines de partis animent une vie politique riche en empoignades et, hélas ! parfois, en mutineries et en drames. Comme elle en a encore donné la preuve le 10 juillet dernier en annulant certaines dispositions du projet de code électoral, la Cour constitutionnelle manifeste régulièrement son indépendance vis-à-vis d’un pouvoir exécutif qui est, dans la réalité, un attelage détonnant : un président de la République Mamadou Tandja aussi peu disert que son Premier ministre Hama Amadou est volubile et volontiers rentre-dedans.
Les syndicats ne se privent pas de crier leur colère dans la rue. Les journaux, tout comme les radios privées et l’unique télévision commerciale (Radio Télévision Ténéré), n’hésitent pas à brocarder le chef de l’État, son Premier ministre et le gouvernement. Sans encourir, du moins de manière directe, des représailles. L’opposition, unie au sein d’une Coordination des forces démocratiques, animée essentiellement par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarrayya) de Mahamadou Issoufou et le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP, qui regroupe les partisans du défunt président Ibrahim Maïnassara Baré, assassiné en avril 1999), siège au Parlement. Et ses leaders ne font pas toujours dans la dentelle, comme en témoigne cette sortie récente pour le moins inspirée du chef de file du PNDS-Tarrayya : « J’ai fermé les yeux et j’ai constaté que la cécité est le pire des handicaps. Or le président de la République est atteint de cécité. Certains disent en plus qu’il a été marabouté par son Premier ministre face auquel il n’a plus aucune volonté au point de présider la République comme l’eunuque surveille un harem. Le mal qui le frappe est aussi incurable qu’il est impossible à un eunuque de recouvrer sa virilité. » À n’en pas douter, la campagne pour l’élection présidentielle, prévue en octobre 2004, risque d’être… virile.

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