Quand Averroès fait école en France

Placé sous le patronage du grand philosophe arabo-andalou, le premier lycée musulman de l’Hexagone ouvre ses portes à Lille, en septembre.

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Le lycée Averroès de Lille, la grande métropole du nord de la France, a reçu jeudi 10 juillet le feu vert du conseil supérieur de l’Éducation nationale pour ouvrir une classe de seconde générale en septembre. Cette autorisation, obtenue de haute lutte par Makhlouf Mamèche, professeur au lycée Debeyre à Marquette-lez-Lille, et Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille-Sud, est une première. « Nous sommes très heureux, affirment les professeurs en charge du projet baptisé du nom du célèbre médecin et philosophe arabo-andalou du XIIe siècle. Il était anormal que la communauté musulmane, forte de cinq millions de membres, soit la seule à ne pas avoir de lycées. » Sur les 9 500 établissements privés de France, on ne compte qu’une école primaire et un collège musulmans. La première, sous contrat d’association avec l’Éducation nationale depuis 1990, propose des cours fidèles aux programmes officiels, alors que le collège est libre de toute allégeance ministérielle.
Chaque année, les établissements chrétiens enregistrent plus de 2 millions d’inscriptions, dont, d’ailleurs, celles de quelques centaines de musulmans. Les écoles juives accueillent pour leur part 25 000 élèves. Les 30 places du lycée Averroès sont une petite révolution. À la rentrée 2004-2005, cette promotion constituera le contingent d’une classe de première et sera rejointe par de jeunes élèves de seconde. Dans trois ans, Averroès accueillera donc des lycéens de la seconde à la terminale.
« Ouvrir un établissement privé est avant tout un défi financier », confie Makhlouf Mamèche, qui sera adjoint au proviseur. Les 150 000 euros de budget ont été réunis grâce aux dons de musulmans du Nord-Pas-de-Calais. « Nous avons passé un contrat avec nos donateurs pour les cinq prochaines années, explique Makhlouf Mamèche. Ce qui nous donne une sécurité en attendant que le lycée passe sous contrat d’association avec l’État. » Si, dans cinq ans, le rectorat lui accorde ce statut, il bénéficiera de subventions. Pour le moment, les seules rentrées d’argent sont les aides privées et les frais de scolarité versés par chaque élève (1 000 euros par an).
Les salles de cours sont actuellement installées au deuxième étage de la mosquée lilloise. Les responsables du projet souhaitent que cet hébergement soit temporaire. Ils établiront le lycée dans ses propres locaux dès que leurs moyens financiers le permettront.
Les élèves seront accueillis par une équipe de professeurs « diplômés de l’Éducation nationale ». Et pas nécessairement musulmans. « Notre programme de seconde est le même que celui de toutes les secondes générales de France, affirme le proviseur adjoint. La langue arabe et la culture musulmane sont en option. » Il se chargera lui-même des cours d’histoire, de géographie, ainsi que des matières à option.
Les deux promoteurs de l’établissement n’en sont pas à leur coup d’essai. En 1995, une vingtaine de jeunes filles sont expulsées du lycée Faidherbe de Lille pour avoir refusé d’ôter leur foulard. Dans l’improvisation la plus totale, Amar et Makhlouf mobilisent une équipe de professeurs qui leur feront cours pendant trois ans. Grâce à eux, la moitié des jeunes bannies obtiendront leur baccalauréat. « Deux sont aujourd’hui doctorantes à Paris », se félicite Makhlouf. Le lycée qui voit aujourd’hui le jour est né de cette expérience.
« Averroès est ouvert à tous ceux qui désirent recevoir un enseignement de qualité, ouvert sur la culture arabe et sur le monde, prêche le futur adjoint au proviseur. On assistera dans les prochaines années à une multiplication des établissements privés musulmans », prédit-il. Ce qui ne serait que justice pour la deuxième religion de France. Reste que les 5 millions de musulmans ne brûlent peut-être pas tous du désir de placer leurs enfants dans le privé. « Le Coran recommande aux croyants de s’adapter au pays d’accueil, fait valoir le Dr Nora Berra, membre de Convergences, un club de notables lyonnais issus de l’immigration. Si ma fille voulait porter le foulard, je lui expliquerais que le foulard ne fait pas la musulmane. »

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