Plaidoyer pour la transparence

Le passage à l’économie de marché est ralenti par les dysfonctionnements du système financier, souligne un rapport de la Banque centrale.

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Meilleure source d’information sur l’état de l’économie et du secteur financier du pays, le rapport annuel de la Banque centrale de Tunisie (BCT) était très attendu : tout le monde était impatient de connaître les leçons que l’institution a tirées de la faillite du groupe de distribution Batam. On sait que celui-ci a laissé une ardoise de près de 300 millions de dinars (230 millions d’euros), malmenant au passage la trésorerie de plusieurs banques et d’une multitude de fournisseurs. Le tout dans un contexte délicat : l’année 2002 n’a pas été très bonne pour l’économie tunisienne.
Publié le 6 août, le rapport n’évoque pas explicitement l’affaire Batam, mais les spécialistes sont convaincus que plusieurs analyses et recommandations présentées par le gouverneur Mohamed Daouas dans sa lettre introductive en tiennent compte. La Tunisie, estime par exemple le patron de la BCT, est en train de « passer d’une économie d’endettement à une économie de marché ». Or l’affaire Batam a indiscutablement servi de révélateur de cette mutation en mettant en évidence certains dysfonctionnements du système : insuffisance des fonds propres, surendettement auprès des banques, absence de transparence, insuffisance d’audit, flou juridique (surtout en ce qui concerne le fonctionnement des groupes), insuffisance des provisions pour couvrir les créances classées des banques…
« Dans le cadre de l’approche progressive et cohérente qui caractérise la conduite des réformes structurelles, un intérêt particulier devrait être […] accordé au renforcement de la transparence et de la bonne gouvernance », écrit Daouas. Cette transparence s’impose en premier lieu sur le marché financier. Certes, le dispositif réglementaire, institutionnel et logistique mis en place en Tunisie au cours des dernières années constitue un outil dont la modernité n’a pas beaucoup d’équivalent dans les pays dits « émergents », mais il a aussi révélé, selon le rapport de la BCT, des « insuffisances qui affectent l’information financière dans sa fiabilité et sa lisibilité ». Ce manque de transparence a contribué à la baisse de l’activité du marché boursier et provoqué un repli du taux de l’épargne. Il importe donc d’y remédier.
Problème : le secteur privé tunisien compte de nombreuses entreprises familiales dont la volonté de transparence n’est pas toujours la préoccupation première. Pour diverses raisons, au premier rang desquelles figure l’évasion fiscale. Or, pour mobiliser l’épargne locale sur le marché financier et attirer les partenaires financiers et techniques étrangers, lesdites entreprises vont être contraintes de s’ouvrir davantage. La BCT esquisse donc quelques recommandations à leur intention.
1. La mise en place d’une information financière lisible et accessible à l’ensemble des investisseurs, dans le respect des normes définies par les autorités de tutelle.
2. L’adoption et l’application rapide de la norme de la consolidation des comptes, afin d’améliorer les prévisions et la visibilité des opérations, pour tous les intervenants.
3. La revalorisation de la fonction d’audit, grâce au renforcement de l’indépendance des auditeurs externes et des comités d’audit interne.
4. L’instauration d’une meilleure représentation des divers intérêts sociaux dans les organes de contrôle. Cette disposition concerne en premier lieu les petits actionnaires, qui comptent parmi les principales victimes de la faillite du groupe Batam.
5. La mise en place d’une base de données sur le marché financier, ouverte au public et susceptible d’être consultée à distance. Un tel instrument serait fort utile au développement du marché, à condition que les données stockées soient « exhaustives et actuelles », souligne la BCT.
6. La poursuite, dans un secteur bancaire victime, l’an dernier, d’un sensible fléchissement de son activité, de la politique à la fois responsable (poursuite du soutien aux entreprises) et prudente (constitution de provisions pour la couverture des risques) menée par les établissements de crédit. Au cours de l’exercice 2002, les banques de dépôt ont en effet augmenté leurs dotations aux provisions, dont le montant a atteint 220,1 millions de dinars (170 millions d’euros), contre 142,2 millions l’année précédente. Cela n’a toutefois pas empêché la part des créances classées d’atteindre 20,8 % du total des engagements de ces banques (19,2 % en 2001). Le taux de couverture des créances classées par les provisions et agios réservés n’a quant à lui pas dépassé 43,7 % (47,4 % en 2001).
La BCT estime que cet effort de provisionnement mérite d’être davantage accompagné, afin de préserver la capacité des banques à financer l’économie. Elle préconise donc l’amélioration des conditions réglementaires et judiciaires de recouvrement des créances et l’ancrage de la culture du remboursement du crédit. Reste à savoir si cette « culture » sera du goût de tout le monde.

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