Patassé hors jeu

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Grand-messe destinée à réconcilier le peuple centrafricain, le Dialogue national se tiendra du 11 au 20 septembre… sans l’ex-président, Ange-Félix Patassé, exilé au Togo depuis le 15 mars dernier, date de son renversement par son ancien chef d’état-major, le général François Bozizé. Ironie du sort, c’est ce même Patassé qui a lancé cette table ronde en décembre 2002, alors qu’il était encore au pouvoir. Hasard du calendrier, la date de ces assises a été rendue publique le 27 août, quelques jours après que la justice centrafricaine eut lancé un mandat d’arrêt international contre Patassé pour « détournement de deniers publics », « assassinats », « viols », « intelligence avec une puissance étrangère » et « atteinte à la sûreté de l’État ». Les malversations financières qui lui sont reprochées s’élèveraient à la somme de 70 milliards de F CFA (106 millions d’euros). Mais il ne s’agit là que d’une estimation provisoire, a précisé le procureur de la République, Firmin Féïndiro.

Et ce n’est pas tout. Le procureur ajoute que certains des faits reprochés à Patassé relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI), déjà saisie le 13 février par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) d’une plainte pour « crimes de guerre » contre l’ex-président centrafricain. Cette plainte dénonçait les exactions commises par les forces armées centrafricaines contre des populations civiles en octobre 2002. Se faisant l’écho du magistrat, le ministre de la Justice, Faustin M’Bodou, a confirmé l’intention du gouvernement de saisir la CPI contre le chef d’État déchu, tout en précisant que « la procédure engagée contre lui ira jusqu’au bout ».
Reste que Patassé n’est pas le seul en cause. La procédure judiciaire en cours concerne également les « cas de détournements de deniers publics relevés à l’encontre de certaines hautes personnalités du pays, ainsi que des responsables administratifs, ou des dirigeants des sociétés d’État ou d’économie mixte », précise le procureur. Ainsi, l’ancien ministre de la Communication, Gabriel Jean-Édouard Koyambounou, a été arrêté, le 21 août, dans le cadre de cette enquête. Et d’autres dossiers, concernant notamment l’ancien Premier ministre, Martin Ziguélé, réfugié en France, et le beau-frère de Patassé, le Togolais René Koffi Bodombossou, sont en cours d’instruction.

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Le Conseil national de transition (CNT) avait déjà voté, le 11 août, contre la participation de Patassé au Dialogue national, la jugeant incompatible avec la plainte pour « crimes de guerre » déposée contre lui. De son côté, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) dénonce une « chasse aux sorcières » et souhaite que le Dialogue national soit véritablement « sans exclusive ». À propos des poursuites dont il fait l’objet, le président en exil a réagi par la voix de son porte-parole, se déclarant « très surpris » par les accusations de détournements lancées contre lui. « Le président Patassé serait enchanté qu’on lui dise où sont ces milliards, car il est grandement dans le besoin », a ajouté Prosper N’Douba, qui dénonce « des calculs politiciens minables » visant à « empêcher M. Patassé de rentrer au pays ».
Alors que les assises de réconciliation sont censées mettre un terme aux divisions qui minent la Centrafrique, leur préparation semble surtout alimenter les ressentiments. Plus chanceux que son successeur, l’ancien président André Kolingba, qui vit en exil en Ouganda, a été autorisé à participer au Dialogue national. Auteur, en mai 2002, d’une tentative de putsch contre Patassé, le général, il est vrai, a été amnistié depuis.

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