Les mystères du Q.I.

Au-delà de 140 de quotient intellectuel, on considère qu’un individu est « surdoué ». Mais des doutes subsistent : évalue-t-on l’intelligence ou les capacités intellectuelles ?

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Sho Yano, 12 ans, déambule dans les allées de la prestigieuse école de médecine de Chicago. Il n’accompagne pas son grand frère, mais prépare son entrée en médecine. Il vient de terminer un premier cycle universitaire entamé à 8 ans et sera médecin à 18 ans, diplômé de l’une des meilleures formations du pays. Quel est ce prodige ? Le même que celui qu’évoquait un Chateaubriand incrédule il y a deux siècles : « Il y avait un homme qui, à 12 ans, avec des barres et des ronds a créé les mathématiques. Cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. » Le point commun entre Blaise Pascal et Sho ? Leur exceptionnel quotient intellectuel (Q.I.), le génie de Chicago affichant 200 de Q.I. quand son illustre prédécesseur se « contentait » d’un modeste 195. Que signifie ce chiffre ? Il correspond au rapport entre l’âge réel et l’âge mental d’une personne. L’âge mental est évalué au moyen de tests censés révéler la capacité d’abstraction et de compréhension d’une personne. La mesure du Q.I. permet-elle d’évaluer l’intelligence ou simplement des capacités intellectuelles ? Comment mesurer les intelligences sociale et humaine autrement qu’en regardant vivre quelqu’un ?
En 1912, le pédopsychiatre Julian de Ajuriaguerra a donné de l’enfant surdoué la première définition : « On appelle enfant surdoué celui qui possède des aptitudes supérieures dépassant nettement la moyenne des capacités des enfants de son âge. » Mais comment mesurer cette différence ? En 1950, les psychologues français Alfred Binet et Théodore Simon imaginent des tests pour quantifier les capacités d’abstraction et de compréhension d’une personne. Par exemple, il faut retrouver l’intrus dans une liste de mots (dans la liste « maison, demeure, château, masure, niche », c’est « niche » qui ne correspond pas à un habitat humain). Il est également demandé au candidat de mémoriser des listes de chiffres et de les réciter à l’envers ou, grand classique, de compléter une suite logique (la série « 1, 3, 5, 7, 9, 11 » est à compléter par 13.) En additionnant les bonnes réponses, on obtient un « âge mental », qui est comparé à l’âge réel du sujet. Le rapport ainsi obtenu est ce que l’on appelle le Q.I. Sachant que la moyenne se situe à 100 et qu’au-delà de 140, on peut déjà parler d’intelligence supérieure, on comprend pourquoi l’université de Chicago accueille Sho à bras ouverts. Avec ses 200 de Q.I., il tutoie Einstein (160) et Galilée (180).
Mais le Q.I. est-il la clé de tout ? Loin s’en faut. Les psychologues complètent souvent leur exploration de la personnalité en pratiquant un test dit de « Rorschach ». Ils montrent au candidat un dessin obtenu à partir d’une tache d’encre et lui demandent de l’interpréter. Peut-on pour autant prétendre avoir mesuré définitivement une intelligence ? Assurément pas, répondent en choeur de nombreux experts. Les calculateurs prodiges que sont certains psychotiques ou les artistes originaux, parfois aux frontières de la folie, n’obtiennent pas de scores très honorables. Faut-il en conclure qu’ils sont dépourvus d’intelligence ou que les tests sont mauvais ? Le simple rapport affectif établi entre le psychologue et le candidat suffit à modifier les résultats. On peut facilement concevoir que des enfants très protégés et constamment encouragés à donner le meilleur d’eux-mêmes obtiennent, à capacités initiales égales, un meilleur score que des enfants moins entourés.
Et puis les tests de Q.I. ne livrent pas l’ultime secret de l’intelligence. Est-elle innée ou acquise ? Julian de Ajuriaguerra estimait que « si une bonne hérédité est nécessaire, de bonnes conditions de milieu dans un sens très large, des qualités de personnalité sont indispensables au développement et à la réalisation des facultés supérieures ». Selon une étude danoise publiée récemment dans le Journal of the American Medical Association, l’allaitement jusqu’à neuf mois augmenterait le quotient intellectuel du nourrisson une fois adulte. Selon les chercheurs, les nutriments contenus dans le lait maternel et la relation psychologique établie entre la mère et l’enfant stimuleraient le développement de son cerveau. Si les Danois disent vrai, nos ancêtres, qui ne connaissaient pas le biberon, devaient être plus intelligents que nous.

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