Laïla fait son cinéma

La réalisatrice marocaine Laïla Marrakchi s’est signalée avec d’impeccables courts-métrages. Une jeune créatrice à suivre.

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Laïla Marrakchi a le sourire timide de ceux qui savent que le travail et l’oeuvre comptent plus que les honneurs. Depuis ses débuts en tant que réalisatrice, elle cumule les récompenses. Son premier film, L’Horizon perdu, a obtenu en 2002 le Prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes. Plus récemment, au VIIe Festival national du film du Maroc, à Oujda, elle a reçu le Prix de la mise en scène et le Prix du premier court-métrage pour son film Deux cents dirhams.
L’épithète qui vient à l’esprit pour qualifier une jeune artiste est toujours le même : « prometteuse ». On le dit trop souvent, et parfois avec un brin de désinvolture. Mais dans son cas, on pourra bientôt vérifier si les promesses de ses courts-métrages sont tenues par le long qu’elle est en train d’écrire. Et dont, bien sûr, elle ne souhaite pas parler.
Laïla Marrakchi est née le 10 décembre 1975, à Casablanca. Jusqu’au bac, elle a fait ses études à l’école, puis au lycée français, avant de quitter le Maroc pour la France. Une transition tout en douceur qui ne lui laisse pas de mauvais souvenir et qui, paradoxalement, lui a permis de porter un regard neuf sur sa propre culture. « Le voyage, dit-elle, m’a fait découvrir mon très fort attachement au Maroc. » À Paris, ville de culture(s) et de découverte(s), Laïla a pu se laisser aller à une consommation cinéphile tous azimuts. Interrogée sur ses références, elle cite pêle-mêle les Américains Martin Scorsese, Woody Allen et Billie Wilder, l’Espagnol Pedro Almodovar mais aussi le Tunisien Férid Boughedir et les comédies italiennes. Tout en précisant que ce sont les sujets, plus que la forme, qui la touchent.
Son destin, c’est donc le cinéma. En toute logique, elle entre à l’École supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et entreprend une maîtrise en études cinématographiques et audiovisuelles à l’université de Paris-VIII. Les stages s’enchaînent : court-métrage, scripte, mise en scène. Son adage est simple : « Plus on pratique, plus on apprend. » Elle travaille donc d’abord comme assistante à la réalisation sur le tournage de Soleil de Roger Hanin (1995), puis Les Victimes de Patrick Granperret, Furia et Over the Rainbow d’Alexandre Aja (1997). Elle confesse avoir du mal à écrire, « à se jeter à l’eau ». Sa première proposition de court-métrage ne sera pas acceptée. Il faudra attendre la deuxième pour que L’Horizon perdu voit le jour en 2000. Le film obtient le Premier Prix du court-métrage au Festival de Turin la même année.
Laïla continue de fourbir ses armes. Elle écrit deux projets de documentaires pour la télévision : Femmes en royaume chérifien, puis Derrière les portes du hammam. Deux sujets qui, s’ils ne voient pas le jour, participent d’une démarche générale sur le cinéma : « Ce qui nourrit mon envie de tourner, dit-elle, c’est essentiellement le Maroc. » Cette tendresse envers son pays d’origine – qui n’empêche pas une attention lucide – transparaît dans ses courts-métrages de fiction. Deux cents dirhams et Momo Mambo sont comparables à des contes philosophiques qui, en quinze et sept minutes en disent plus sur la société chérifienne que bon nombre d’interminables longs-métrages. Deux cents dirhams raconte l’histoire d’un jeune berger dépouillé par son oncle alcoolique d’un billet que le hasard a mis dans ses mains. Le regard que Laïla Marrakchi porte sur ses personnages, mélange délicat d’humour et de clairvoyance, lui permet d’évoquer sans didactisme la condition de l’homme marocain. Rêves, désirs, contraintes sociales, poids de la religion : tout est dit sans être asséné, avec une surprenante économie de moyens. Pour la jeune réalisatrice, « il ne faut pas oublier que le cinéma, c’est d’abord raconter une histoire. Et pas seulement un moyen de dénoncer les choses ». Un peu moins sobre, mais tout aussi percutant, Momo Mambo raconte les fantasmes d’un homme – interprété par l’humoriste algérien Fellag – qui, dans un taxi, s’imagine enlevé et séquestré… dans un salon de coiffure, et soumis au supplice de Tantale d’une torride danse du ventre. Avec ce tour de force remarquable : la danseuse est un travesti. Le tout sur fond de diatribe réactionnaire et intégriste…
En espérant qu’elle saura garder sa fraîcheur et son penchant pour la fable réaliste, on attend avec impatience le premier long-métrage de Laïla Marrakchi.

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