Jean-Claude Masangu

Gouverneur de la Banque centrale de la RD Congo

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Jean-Claude Masangu, 50 ans, n’est pas un banquier comme les autres. À 25 ans, il était ingénieur dans une usine d’aluminium aux États-Unis. Un accident dans l’atelier le brûla au troisième degré. « Après cela, je me suis dit qu’il fallait peut-être changer de métier. » Il réussit un MBA à l’Université de Louisiane et entre à la Citibank de Kinshasa. En 1997, Laurent-Désiré Kabila le nomme gouverneur de la Banque centrale de la RD Congo. Six ans plus tard, il y est toujours. Le secret de cette longévité ? La compétence bien-sûr, mais aussi la rigueur, la franchise, et une certaine dureté à la tâche.

JEUNE AFRIQUE/L’INTELLIGENT : Quels sont les premiers dividendes de la paix ?
Jean-Claude Masangu : Grâce à la réunification, une bonne part de nos dépenses de guerre sera bientôt consacrée à l’éducation, à la santé, à l’eau, à l’électricité, aux routes et au chemin de fer. Priorité sera donnée au social. Avec le retour de la paix, nous espérons aussi obtenir très prochainement l’effacement de 90 % de notre dette extérieure. Le 23 juillet, nous avons eu le feu vert du FMI pour bénéficier de l’initiative en faveur des PPTE (pays pauvres très endettés).
J.A.I. : La réunification a-t-elle un coût ?
J.C.M. : Bien-sûr, comme en Allemagne en 1990. Il faut combler le vide laissé par les troupes rebelles. Il faut donc former, équiper et déployer notre armée et notre administration dans tout le pays. Nous allons devoir également payer les salaires et les frais de 60 ministres, 620 députés et sénateurs, sans compter les gardes du corps. Un budget spécial de 10 millions de dollars y sera consacré. Nous y contribuerons à hauteur de 30 %. L’Union européenne, le PNUD et la Banque mondiale financeront le reste. Dès l’année prochaine, nous devrons aussi financer le recensement informatique de la population en prévision des élections de 2005.
J.A.I. : Le nouveau vice-président chargé des affaires économiques, Jean-Pierre Bemba, a déclaré qu’il fallait assainir les finances. Comment réagissez-vous ?
J.C.M. : Nous avons assaini avant son arrivée. Depuis deux ans, aucun franc ne sort des caisses de l’État sans un bon d’engagement et un visa des ministères du Budget et des Finances. Nous avons aussi obtenu des résultats économiques probants avant l’arrivée de M. Bemba. Après treize ans de croissance négative, le Produit intérieur brut s’est accru de 3,2 % en 2002. Nous espérons atteindre 5 % cette année. L’inflation est tombée de 500 % en 2000 à 16 % en 2002. Nous comptons la ramener à 8 % cette année, grâce notamment à la baisse du prix des carburants. Cela est très important pour les petits revenus. Et depuis que nous avons décidé de faire flotter la monnaie, en avril 2001, le franc congolais s’est stabilisé. Jamais, peut-être, depuis l’indépendance notre monnaie n’avait connu une si longue période de stabilité. Elle se maintient à présent dans une fourchette entre 420 et 430 francs pour 1 dollar.
J.A.I. : L’État sera-t-il le premier investisseur ?
J.C.M. : Non. Le secteur public a fait son temps et démontré ses limites. Notre volonté est de nous appuyer sur le privé. Là où il travaille le mieux, l’État se désengagera. Il limitera sa participation à hauteur de 25 %. Dans le secteur du cobalt et du cuivre, la société publique Gécamines va être restructurée. À partir de la fin de ce mois de juillet, un certain nombre de départs volontaires à la retraite la rendront plus compétitive. Dans le secteur du diamant, nous avons supprimé le monopole d’exploitation et mis en place un certificat d’origine pour mieux lutter contre la fraude. Sur les 800 millions de dollars que rapporte l’exportation des diamants, seuls 400 millions sont déclarés et imposés !
J.A.I. : N’est-il pas risqué d’investir au Congo-Kinshasa ?
J.C.M. : Plus maintenant. Les entreprises étrangères qui veulent venir exploiter notre coltan, notre or ou notre diamant disposent désormais d’un nouveau code minier et d’un cadastre qui leur permettent de travailler en toute sécurité. D’ailleurs, les investisseurs arrivent. Avec une mise de 150 millions de dollars, la société belge STL va exploiter la montagne de scories de minerais qui domine Lubumbashi. Grâce à de nouvelles technologies, on peut en extraire un très bon cobalt. Avec une mise équivalente, la société sud-africaine Vodacom a lancé il y a un an et demi un nouveau réseau de téléphonie mobile. Aujourd’hui, elle compte 300 000 abonnés et nous pouvons enfin nous appeler d’une ville de province à l’autre, à des prix abordables. Tous cela est le fruit de la libéralisation engagée par Joseph Kabila à son arrivée au pouvoir en 2001.

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