Il faut sauver le « soldat Abbas »

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Pour sa première tournée depuis sa prise de fonctions fin avril, le Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas (Abou Mazen) s’est rendu au Caire (Égypte), à Amman (Jordanie) et à Washington (États-Unis). Le 25 juillet, dans la capitale américaine, il a été reçu successivement par des membres du Congrès, par la présidente du Conseil national de sécurité, Condoleezza Rice, et par le président George W. Bush. Ce périple, qui s’est achevé par une rencontre avec le roi Mohammed VI à Rabat (Maroc), sera déterminant pour l’avenir du numéro deux palestinien.
C’est à bord de l’avion personnel de Yasser Arafat que Mahmoud Abbas a effectué le vol Amman-Washington. Cet appareil est le seul à avoir échappé, au printemps 2002, à la destruction par l’armée israélienne de la maigre flotte palestinienne sur l’aéroport international de Gaza. Au même moment, il était en Égypte… « La composition de la délégation ayant accompagné le Premier ministre – à savoir Ahmed Qoraï, président du Conseil législatif palestinien (Parlement) ; Nabil Chaâth, ministre des Affaires étrangères ; Mohamed Dahlan, ministre de la Sécurité ; et Salem Fayed, ministre des Finances – a fait l’objet d’un accord préalable avec le président de l’Autorité », explique Mounir Ghannam, ambassadeur de l’Autorité palestinienne à Tunis. Qui ajoute : « On cherche à faire accréditer la thèse selon laquelle Abou Mazen et Abou Ammar (surnom d’Arafat) sont en conflit. En réalité, l’un ne décide de rien sans l’autre. »

Comme pour dissiper tout malentendu, Abbas annonçait, la veille de son départ pour Washington, avoir reçu « un feu vert » d’Arafat. « Le président américain a, à plusieurs reprises, invité le Premier ministre à venir le rencontrer, mais ce dernier a fait savoir à chaque fois qu’il ne pourrait pas répondre à l’invitation aussi longtemps qu’Israël n’aurait pas rendu sa liberté de mouvement au président de l’Autorité, explique Mounir Ghannam. C’est à la demande d’Arafat que le Premier ministre a décidé de mettre un bémol à sa revendication, dans l’espoir de voir sa rencontre avec Bush déboucher sur la reprise du processus de paix. » Traduire : le chef de l’Autorité n’est pas hors jeu. Il est le maître du jeu.
Mahmoud Abbas, qui est dès son retour menacé d’une censure parlementaire s’il ne rapporte rien de concret de sa rencontre avec George W. Bush, représente pour nombre de Palestiniens la capitulation devant les exigences étrangères. Outre sa modestie et son manque de charisme, ses compatriotes lui reprochent de n’avoir obtenu aucune concession de la part d’Israël depuis le déclenchement du processus d’Aqaba, début juin, et, surtout, depuis la houdna, l’arrêt des attaques anti-israéliennes proclamé unilatéralement le 29 juin par cinq mouvements palestiniens. À preuve : les barrages israéliens sont encore en place sur les routes de Cisjordanie, Arafat est toujours confiné dans son quartier général de la Mouqattâ, et Israël n’a pas arrêté le chantier du « mur de sécurité », ni la construction dans les implantations.
Or, tout en continuant à exiger d’Abbas qu’il prenne des mesures énergiques pour désarmer et démanteler les « organisations terroristes » (ce qu’il se gardera sans doute de faire, si tant est qu’il en ait les moyens, de crainte d’aggraver son isolement sur la scène palestinienne), les Israéliens ne semblent pas disposés à faire le moindre « cadeau » à leur interlocuteur préféré. En relançant la construction du « mur de sécurité », en fermant les yeux sur la construction des nouvelles implantations et en refusant de fixer un calendrier pour la libération des 6 000 à 8 000 détenus palestiniens, se contentant d’annoncer la prochaine libération de « centaines » d’entre eux, le démantèlement de trois (sic) barrages militaires et le transfert aux Palestiniens de deux autres villes de Cisjordanie – des mesures cosmétiques -, ils ne renforcent pas, c’est un pléonasme, la position d’Abbas, pas plus qu’ils n’entament celle d’Arafat.

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Tout porte à croire, au contraire, que les Israéliens et les Américains ont commis l’erreur de penser que le leader historique de l’OLP était politiquement fini. Alors que, face au Premier ministre, le « séquestré de la Mouqattâ » apparaît de plus en plus, aux yeux des siens, comme le véritable défenseur des aspirations nationales palestiniennes. En qualifiant Abbas, il y a un mois, de « petit poussin dont les ailes n’ont pas encore poussé », Ariel Sharon a peut-être définitivement condamné son homologue à jouer les seconds rôles, c’est-à-dire son rôle de second.
Reste à savoir si, pour sauver le « soldat Abbas » et la feuille de route, le président américain est disposé à faire pression sur le Premier ministre israélien, qu’il recevra le 29 juillet, afin de l’amener à accepter des « concessions douloureuses ». Sachant que la course à sa propre succession est lancée et que George W. Bush aura de plus en plus besoin du soutien de l’électorat juif.

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