Guide cherche touristes

Mouammar Kadhafi ambitionne d’accueillir 3 millions de visiteurs étrangers en 2008. La partie est encore loin d’être gagnée.

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Une nouvelle « révolution », touristique celle-là, est-elle en marche en Libye ? En tout cas, Mouammar Kadhafi est résolu à ouvrir largement les portes de son pays aux visiteurs étrangers. Un virage économique – et politique – d’autant plus spectaculaire que la Jamahiriya est longtemps restée à l’écart des grands flux touristiques internationaux. D’abord, de son plein gré : elle n’avait que mépris pour cette activité « contre-révolutionnaire ». Ensuite, contrainte et forcée : de 1992 à 1999, elle a été soumise à un strict embargo onusien. Bien sûr, cet isolement a laissé des traces : depuis la fin des sanctions, la Libye n’accueille, en moyenne, que quelques dizaines de milliers de touristes par an.
Pour diversifier l’économie de son pays, qui dépend à 95 % du pétrole, le colonel a donc décidé, dans le cadre de sa nouvelle politique de « capitalisme populaire » (voir J.A.I. n° 2215), de développer et de privatiser le secteur du tourisme. Son objectif : 3 millions de visiteurs par an, en 2008. Ce ne sera pas une sinécure. Dans ce domaine, en effet, la Libye part de zéro ou presque.
Quoi qu’il en soit, plusieurs mesures ont été adoptées depuis la formation du nouveau gouvernement. Dès le 13 juin, un ministère du Tourisme – le premier de l’histoire du pays – a été constitué. Deux jours plus tard, la première Foire internationale du tourisme a ouvert ses portes à Tripoli. Son ambition déclarée était de promouvoir la « destination Libye ». Encore modeste, cette première édition a rassemblé des professionnels, agents de voyages ou tour-opérateurs, originaires de quatre pays voisins : Égypte, Tunisie, Malte et Italie.
Pour accompagner ces premières mesures « institutionnelles », l’État a donné au secteur un sérieux coup de pouce financier : 7 milliards de dollars sur cinq ans. Mais pour accroître le nombre et améliorer la qualité de ses infrastructures d’accueil, la Jamahiriya compte avant tout sur les investisseurs étrangers. Au mois d’avril, la chaîne hôtelière maltaise Corinthia, qui fut la première à signer un contrat avec Tripoli, en 1999 (La Valette a toujours entretenu des relations privilégiées avec Tripoli, même au temps de l’embargo), a inauguré au coeur de la capitale un établissement cinq étoiles, le Bab Africa Hotel. D’autres projets devraient suivre, en particulier la construction, en partenariat avec l’Italie, d’un village de vacances sur la côte, et celle d’un second hôtel de luxe, confiée au prince et homme d’affaires saoudien Al-Walid Ben Talal.
Si les sociétés étrangères s’intéressent à elle, c’est évidemment que la Libye ne manque pas d’atouts. À deux ou trois heures d’avion des principales villes européennes, elle dispose en effet de quelque 1 700 km de côtes presque vierges, ce qui n’est pas rien dans un environnement régional – le littoral méditerranéen – largement saturé. Elle compte également plusieurs sites romains parmi les mieux conservés, grâce à son climat très sec, et offre de multiples possibilités de randonnées dans le Sahara, un « produit » très apprécié en Europe.
Pourtant, de nombreux obstacles subsistent. Freiné par l’insuffisance de son parc hôtelier, le tourisme libyen est également pénalisé par une mauvaise desserte aérienne. Plusieurs grandes capitales européennes (Madrid, Paris, Stockholm, etc.) ne sont toujours pas directement reliées à Tripoli, qui, pour ne rien arranger, reste une destination extrêmement coûteuse (deux à trois fois plus que la Tunisie voisine). Par ailleurs, le pays pâtit d’une image encore largement négative à l’étranger et de l’absence quasi totale des services touristiques de base : animations inexistantes, cartes de crédit internationales inutilisables, difficultés pour obtenir un visa d’entrée… Dernier point négatif, et non des moindres : les boîtes de nuit et l’alcool demeurent, en terre libyenne, strictement interdits. S’il veut mener à bien sa nouvelle « révolution », le Guide devra accepter de mettre, si l’on ose dire, encore un peu d’eau dans son vin.

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