Entre islam et islamisme

L’ancien Premier ministre centrafricain s’interroge sur l’intégrisme musulman en Afrique. Une analyse suscitée par les réactions au 11 septembre 2001.

Publié le 28 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

«Pendant que la terre entière paraissait déboussolée par le surgissement de cette forme inédite d’affrontement sur fond d’intérêts stratégiques planétaires, l’Afrique subsaharienne n’a pas donné l’impression de se sentir concernée. […] Le président sénégalais Abdoulaye Wade a eu bien du mal à organiser à Dakar, le 17 octobre 2001, un sommet pour qu’une position commune soit adoptée. Seuls neuf de ses collègues ont jugé utile de se déplacer. » On aura compris qu’il s’agit là des événements du 11 septembre 2001, fil conducteur et prétexte de l’ouvrage de Jean-Paul Ngoupandé, L’Afrique face à l’islam, paru aux éditions Albin Michel.
L’ancien Premier ministre de Centrafrique a, dit-il, été étonné par ce qu’il qualifie « d’absence de réaction » du continent africain. Il a surtout été frappé par l’attitude des quartiers populaires, apparemment indifférents au sort des victimes et favorables à l’action des kamikazes. Les Africains seraient-ils déconnectés des questions de terrorisme ? L’auteur, qui n’est pas loin de le penser, oublie qu’au moment où le président Wade conviait ses homologues à Dakar, la Convention d’Alger contre le terrorisme, adoptée le 14 juillet 1999 par l’OUA, n’était pas encore ratifiée par tous les États membres…
Si « l’Afrique d’en bas » a manifesté quelque sympathie pour Ben Laden, nous explique Ngoupandé, c’est essentiellement parce qu’elle avait trois contentieux historiques à régler avec l’Amérique : la situation des Noirs aux États-Unis, le soutien passé à l’apartheid et l’appui inconditionnel à Israël.
Ces hypothèses de travail (discutables) étant posées, l’auteur tente de démontrer que le terrorisme d’inspiration islamiste n’est pas une réalité nouvelle sur le continent africain. Ben Laden a vécu au Soudan entre 1991 et 1996, et les attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie seraient l’équivalent d’une répétition générale du 11 septembre 2001.
Cherchant à prouver que l’islam est utilisé à des fins politiques, l’auteur cite les cas du Nigeria et de la Côte d’Ivoire : « […] En Afrique, le zèle des prédicateurs radicaux est de plus en plus visible dans les mosquées. Face à l’instrumentalisation du thème de la lutte contre le terrorisme à des fins de discrédit des adversaires politiques, ceux-ci sont également tentés de recourir à la référence religieuse. En Côte d’Ivoire, les pasteurs qui conseillent le pouvoir embrayent sur le registre de la résistance des chrétiens, tandis que les prédicateurs musulmans exploitent à leur tour le sentiment d’appartenir à une catégorie d’Ivoiriens exclus de la communauté nationale. »
La poussée islamiste serait aussi le fait d’apports extérieurs : « Comme on le sait, le chiisme libanais a joué dans les années 1980 un rôle très actif dans la vague d’attentats islamistes que le monde a connue, y compris en Afrique. Ce terrorisme était principalement soutenu par Téhéran. » Pour l’auteur, le mouvement chiite « a alimenté quelques réseaux liés au Hezbollah, soutenus en Afrique subsaharienne par des membres de la communauté libanaise. Ces derniers cohabitaient avec des groupes manipulés par la Libye, mais n’avaient pas une implantation aussi structurée que celle du wahhabisme aujourd’hui. Ce courant puritain de l’islam, né en Arabie saoudite au XVIIIe siècle, revient en force de nos jours, et s’abrite derrière toutes les initiatives d’aide sociale financées à partir du royaume saoudien. »
Cette montée de l’islamisme vient s’ajouter à la décomposition des États. D’où la note pessismiste sur laquelle s’achève l’ouvrage : « Si des pays aussi puissants, aussi outillés que les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France peinent à trouver des réponses adéquates au casse-tête de la lutte contre le terrorisme, je ne vois pas comment les nôtres peuvent résister à la vague islamiste. »
Ceux qui s’attendaient à trouver dans l’ouvrage de Jean-Paul Ngoupandé un état des lieux de l’islam en Afrique resteront sur leur faim. Seules quelques dizaines de pages sur 289 traitent effectivement de la question. Le livre est plus une suite de réflexions générales, souvent rapides, qu’une analyse approfondie.

* L’Afrique face à l’islam, de J.-P. Ngoupandé, Albin Michel, 250 pp., 20 euros.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires