Algérie : avec la flambée du pétrole, le retour de la paix sociale ?
Pendant que l’inflation sur les produits alimentaires de base reste forte, la manne pétrolière offre, de nouveau, une bouffée d’oxygène à l’exécutif algérien.
L’Algérie n’avait pas connu telle manne depuis le troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika. En 2008, le prix moyen du baril avait atteint le record de 147 dollars, porté par plusieurs facteurs, notamment des tensions au Moyen-Orient, une baisse de la valeur du dollar et les taux de croissance inédits de la Chine. Pendant de longues années, cet afflux de liquidités a permis au pouvoir alors en place d’absorber les tensions sociales comme une éponge.
Conséquence directe de la guerre menée par la Russie en Ukraine, le baril de pétrole a de nouveau franchi la barre des 100 dollars courant mars. Après un pic à 123,7 dollars le 8 mars, l’or noir s’échangeait à 110 dollars le baril ce 22 mars, de quoi permettre à l’Algérie de reprendre une politique sociale plus généreuse ?
Marge de manœuvre
« Cette hausse aura certainement des retombées positives sur les finances publiques. Si cela venait à perdurer, la hausse de la fiscalité pétrolière entraînera une croissance des recettes budgétaires. Ces dernières sont normalement suffisantes pour s’ajuster à l’actuel niveau des dépenses publiques, qui comprennent près de 20 % du budget de fonctionnement de transferts sociaux », analyse pour Jeune Afrique le professeur d’économie Brahim Guendouzi. Aussi faut-il s’attendre, selon lui, au maintien de l’effort financier consacré par l’État en faveur des couches sociales fragiles que moyennes. « Cette conjoncture favorable aux exportations d’hydrocarbures, tant en quantité que par rapport aux cours, donne une marge de manœuvre à l’exécutif en vue de garder intact les équilibres économiques et sociaux, fragilisés par la tension inflationniste en 2021. »
Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été arrêtées par les pouvoirs publics pour apaiser le front social
Après que le pays a entamé l’année avec une augmentation vertigineuse des prix à la consommation qui a contraint, à la mi-février, le président Abdelmadjid Tebboune à suspendre l’application de nouvelles taxes et impôts prévus par la loi de finances, la hausse du prix du baril représente une planche de salut. D’autant que dans le même temps, les salaires ont été revus à la hausse – compris entre 14 % et 16 % – à la faveur de la réduction de l’impôt sur le revenu (IRG), appliquée dès le début de l’année.
Les efforts du gouvernement se sont poursuivis avec le versement, à partir de ce mois mars, d’une allocation chômage de 13 000 dinars (près de 82 euros) destinée aux primo-demandeurs d’emploi de 19 à 40 ans, qui ouvre également droit à une couverture sociale – 800 000 personnes sont concernées par cette allocation, selon le directeur général de l’Agence nationale de l’emploi Abdelkader Djaber.
Ces dépenses sont prévues par la loi de finances 2022, a assuré Abdelmadjid Tebboune, alors que plusieurs mesures ont d’ores et déjà été arrêtées par les pouvoirs publics pour apaiser le front social. Mais le montant global de cette politique destinée à relancer le pouvoir d’achat n’a pas encore été chiffré.
Bien cibler les plus démunis
Faut-il s’attendre à d’autres mesures au cours de cette année ? Les arbitrages sociaux à venir toucheront davantage « le système des subventions, qui risque d’évoluer dans sa forme, le logement social et la création de nouveaux emplois en faveur des jeunes », prédit Brahim Guendouzi. D’autres actions sont susceptibles d’être lancées dans le cadre de la loi de finance complémentaire 2022, attendue à la fin de ce semestre ». Le financement de cette politique sociale soulève, toutefois, la question des capacités de l’Algérie à l’inscrire dans la durée.
Espérons qu’avec l’accroissement des recettes en hydrocarbures, l’Algérie ne renouvellera pas les erreurs du passé
« Tant qu’il y a la rente pétrolière, les tensions sociales à court terme sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures. Celles-ci permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7 % du budget général de l’État et 9,4 % du PIB déjà pour l’année 2021. Mais mal gérées et mal ciblées, ces mesures ne profitent pas toujours aux plus démunis » tempère l’économiste Abderrahmane Mebtoul.
« Espérons qu’avec l’accroissement des recettes en hydrocarbures, l’Algérie ne renouvellera pas les erreurs du passé. Ces recettes doivent être consacrées aux secteurs dynamisant directement le développement et indirectement les secteurs de l’éducation et de la santé » prévient le spécialiste.
Effondrement de la valeur des salaires
Pour l’heure, le pays fait néanmoins face à des urgences auxquelles il doit parer, estime une source au sein de l’exécutif. À commencer par l’inflation qui pèse lourdement sur les ménages, particulièrement les petites et moyennes bourses, alors que la tendance haussière, constatée dès le début du premier trimestre 2021, n’a pas freiné sa courbe. Le prix de certaines denrées alimentaires a parfois plus que doublé, à l’exemple des pâtes, du lait, de l’huile, des légumes, des fruits et des viandes, avec des pénuries récurrentes de l’huile de table et de semoule, qui constituent la base de l’alimentation locale. Une étude comparative de l’Association des consommateurs entre les prix moyens en 2010 et ceux actuels démontre que le salaire des Algériens a perdu 50 % de sa valeur du fait de la hausse des prix.
C’est aussi du malaise social et de la frustration de la jeunesse qu’est née, en mars 2019, la colère contre le système politique
« Si les moyens financiers le permettent, soutient notre source au sein de l’exécutif, le gouvernement poursuivra sa politique de soutien social. » La sociologie du Hirak était largement marquée par la présence des étudiants, des chômeurs et des familles à petits revenus. C’est aussi du malaise social et de la frustration de la jeunesse qu’est née, en mars 2019, la colère contre le système politique.
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