Aïssata Tall Sall : « Les sanctions contre le Mali coûtent énormément au Sénégal »
La ministre sénégalaise des Affaires étrangères revient sur l’abstention de son pays lors de la résolution onusienne condamnant l’invasion russe en Ukraine, la crise politique malienne, son ralliement surprise à Macky Sall.
Aïssata Tall Sall est une femme occupée. Cela fait plusieurs mois que Jeune Afrique demandait à rencontrer celle que l’on surnomme « la lionne du Fouta ». Finalement, après un premier rendez-vous manqué une semaine plus tôt à Dakar, c’est le 16 mars, dans le luxueux hôtel Prince de Galles, sur l’avenue George-V dans le 8e arrondissement de Paris, qu’elle nous a donné rendez-vous. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères participait ce jour-là à la conférence ministérielle de la Francophonie (CMF), lors de laquelle s’est préparé le sommet des chefs d’État qui doit se tenir en novembre 2022 à Djerba, en Tunisie.
À peine a-t-elle franchi l’entrée du hall, vêtue d’un somptueux boubou cousu en tissu brocart couleur corail, qu’Aïssata Tall Sall explique son long silence vis-à-vis de Jeune Afrique. Si elle n’a pas voulu répondre auparavant à nos sollicitations, c’est que l’ancienne ministre de la Communication du président Abdou Diouf était furieuse en raison de plusieurs articles qu’elle jugeait « défavorables » à son égard. « Si j’ai accepté de vous recevoir aujourd’hui, c’est parce qu’en tant que ministre, je considère que l’opinion publique a le droit de savoir qui je suis », affirme-t-elle en préambule à notre entretien.
Le décor est posé. L’ancienne opposante – elle s’est ralliée à Macky Sall quelques semaines avant la présidentielle de 2019 – est connue pour sa verve, héritée de son passé d’avocate, et pour son franc-parler. Désormais, celle qui est la première femme sénégalaise à détenir le portefeuille des Affaires étrangères incarne le visage de son pays dans les sommets internationaux. Et à l’heure où Macky Sall occupe, en outre, la présidence de l’Union africaine (UA), Aïssata Tall Sall mesure chacune de ses paroles avec soin.
Jeune Afrique : La Conférence ministérielle de la Francophonie a condamné l’agression de l’Ukraine par la Russie. Mais le 3 mars, lors du vote par l’Assemblée générale de l’ONU sur une résolution similaire, de nombreux pays africains se sont abstenus, dont le Sénégal. L’Afrique avance-t-elle divisée sur ce dossier ?
Aïssata Tall Sall : Je réfute cette idée. Quelle organisation continentale défend une position homogène sur une question internationale aussi politique que celle de l’Ukraine ? Même au sein de l’Union européenne, qui est le territoire où se déroule la guerre, il y a des voix discordantes.
Considérer également l’abstention comme un vote contre l’Occident ou, pire, un soutien à la Russie, serait une erreur. Aux côtés de l’Ukraine, le Sénégal a déclaré être pour le respect de la loi internationale qui comporte le respect de l’intangibilité des frontières, de la souveraineté des États et de leur intégrité. Nous nous sommes abstenus pour pouvoir nous positionner en arbitre, en tant que président en exercice de l’UA.
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