Chemins de traverse

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 2 minutes.

La rentrée littéraire, en France, ressemble souvent à une compétition d’athlétisme. Dans les starting-blocks des librairies, plus de six cents romans s’alignent et attendent le coup de revolver qui donnera le signal du départ. Pour beaucoup, dopés aux amphétamines médiatiques, l’objectif principal est clair : le prix Goncourt. Il n’y aura qu’un vainqueur, nombre de faux départs, pas mal d’arguties médiatico-littéraires et des lots de consolation : le Médicis, le Renaudot, l’Interallié, etc. Dans cette foire d’empoigne qui alimente la chronique, on oublie souvent de signaler ces livres qui, de toute manière, ne participent pas à la compétition. En voici deux qui méritent de ne pas rester dans l’ombre, car ils sont tous deux nés d’un véritable regard, sensible et exigeant.
Le premier, Les Âmes de Mogador, mélange habilement les photographies de Patrice Renson et les mots de Matthieu Chedid. Restituer l’esprit d’une ville comme celle d’Essaouira est un véritable exercice d’équilibriste tant les clichés se ramassent à la pelle dans tous les recoins de la médina. Si la poésie de Matthieu Chedid est un peu mièvre (« la femme est l’âme… l’âme de l’homme ») et convenue, Patrice Renson, pour sa part, rend Mogador à ses habitants. Il n’est là ni en touriste ni en esthète d’une splendeur passée ; d’ailleurs, il ne se montre guère et préfère laisser à ceux qu’il photographie la liberté d’habiter ses images.
Le second, Mont Carmel, est une ode poétique à l’enfance signée du cinéaste israélien Amos Gitai. Poésie, photographies, l’auteur – entre autres – de Kadosh, Yom Yom, Kedma, qui s’est lancé dans le cinéma après la guerre de Kippour, restitue l’ambiance des années 1950 et 1960 autour de cette crête blanche et rocailleuse qui émerge de la mer, au nord d’Israël, et se transforme au fur et à mesure de l’évolution du pays. Hommage aux parents, Munio et Efratia, mais aussi hymne à la paix qui se refuse : « En 1950 ma naissance / C’est après la guerre / De mille neuf cent quarante-huit / Qui porte des noms différents / Chez nos voisins ou dans le calendrier israélien / Mais les chiffres disent les dates des rendez-vous / Meurtriers du Moyen-Orient / Un nouveau rendez-vous tous les sept ou huit ans / Et quelques autres aussi entre-temps. »
Loin du strass et des paillettes de la rentrée littéraire, certains prennent donc le temps de s’attarder sur les chemins de traverse. Profitons-en !

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires