Charité bien ordonnée

Publié le 1 septembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Personne ne manque à l’appel : Banque mondiale, Nations unies, World Wildlife Fund, Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT), Commission européenne, États-Unis, France, Japon, et même Afrique du Sud… Tous les acteurs importants de l’échiquier africain dans le domaine de l’environnement ont répondu favorablement au cri d’alarme lancé par les pays du bassin du Congo. Miné par l’abattage anarchique de ses arbres, par une agriculture désordonnée, par la corruption des entreprises qui l’exploitent, le deuxième poumon de la planète craint de porter en lui une maladie incurable. Des quelque 190 millions d’hectares qui le composent, éparpillés sur six pays d’Afrique centrale – Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine et République démocratique du Congo (RDC) -, cette forêt pourrait perdre un cinquième de sa superficie d’ici à quinze ans si rien n’est fait. Une destruction des ressources naturelles qui serait catastrophique pour les 500 millions de personnes qui vivent grâce à elles, pour l’écosystème mondial et pour les espèces animales en voie de disparition.

Dans un élan de solidarité, lors du Sommet sur le développement durable qui s’est tenu à Johannesburg en septembre 2002, les grandes puissances occidentales se sont mises d’accord avec les responsables des pays africains concernés pour tenter de sauver ce qu’il restait de bonobos, chimpanzés, et autres gorilles menacés par la déforestation, pour rationaliser les concessions forestières et créer 10 millions d’hectares de parcs naturels protégés. En janvier 2003, lors du lancement officiel du partenariat pour la forêt du bassin du Congo, les Américains ont promis de verser 53 millions de dollars sur quatre ans, tandis que la France réaffirmait son engagement à hauteur de 50 millions d’euros sur trois ans.
Les deux plus gros bailleurs de fonds se sont montrés très concernés par les problèmes écologiques que connaît aujourd’hui l’Afrique centrale. Et ne se sont pas fait prier pour venir en aide aux gouvernements africains. Les États-Unis s’intéressent « passionnément » à la protection des forêts du bassin du Congo, a affirmé Walter Kansteiner, secrétaire d’État adjoint chargé des Affaires africaines, en mars dernier, en mettant en exergue le programme Carpe (Central African Regional Program for the Environment) mis en oeuvre par le gouvernement américain dans la sous-région. Tandis que la France rappelait l’engagement de l’Agence française pour le développement (AFD) au Gabon, au Congo-Brazzaville et en Centrafrique sur les mêmes questions, ainsi que l’existence préalable du programme européen Ecofac (Conservation et utilisation rationnelle des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale). Une philanthropie évidemment bien calculée à l’heure où les deux pays se disputent les faveurs de cette région, certes premier poumon d’Afrique, mais également bien pourvue en pétrole. Tout comme les entreprises privées sont aujourd’hui sommées par les populations de prouver leur respect de l’environnement, les gouvernements qui s’intéressent à l’or noir préfèrent mettre en avant leur « passion » pour des ressources naturelles plus propres.

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Si l’argent promis arrive jusqu’aux racines du mal dénoncé, il ne faudra pas s’en plaindre. Après tout, que la forêt en péril suscite autant d’intérêt aujourd’hui prouve une relative moralisation des politiques internationales, même si elles sont dictées par des motivations économiques. « Pour les États-Unis, c’est de l’argent bien dépensé, avait affirmé Jeffry Burnam, sous-secrétaire d’État adjoint à l’Environnement. Nous ne demandons rien en retour. Il n’y a pas d’arrière-pensée politique, seulement un objectif géostratégique. Nous le faisons parce que c’est nécessaire. » La distinction entre politique et géostratégie pourra sans doute paraître trop subtile à établir. Certes, les arbres qui ne seront pas arrachés, grâce à l’argent des États-Unis et de la France, devront leur survie à l’extraction des barils de brut du golfe de Guinée. N’est-ce pas finalement le résultat qui compte ?

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