Adrien Diouf : « L’endettement des États de l’UEMOA est sous contrôle »
Les pays de l’UEMOA vont lever 3 000 milliards de F CFA (4,5 milliards d’euros) via l’émission de titres publics en 2014. Conséquence prévisible de la croissance économique de la région ou rechute dans les travers des années 70 et 80 ? Adrien Diouf, directeur de l’agence UMOA-Titres, répond aux questions de « Jeune Afrique ».
Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine ont prévu de lever près de 3000 milliards de F CFA (4,5 milliards d’euros) en 2014 via l’émission de titres publics. Cette confiance renouvelée dans les marchés financiers est-elle sans risques ? L’Afrique de l’Ouest n’emprunte-t-elle pas à nouveau le chemin de l’endettement ? Adrien Diouf, directeur général de l’agence Umoa-Titres, la nouvelle institution créée pour coordonner les recours des pays de l’Union aux marchés financiers répond aux questions de Jeune Afrique.
Propos recueillis par Stéphane Ballong
Jeune Afrique: D’après le calendrier que vous venez de publier, en 2014, les États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) vont lever 2979 milliards de F CFA en 2014…
À la différence des banques d’affaires, UMOA-Titres est en permanence aux côtés des États. On ne part pas après une opération.
Adrien Diouf: Il faut décomposer ce montant en plusieurs parties. Une première de 2 179 milliards qui est constituée par les émissions (bonds et obligations du Trésor) sur le marché monétaire régional, géré par la BCEAO. La deuxième de 200 milliards de F CFA correspond au montant qui proviendra du marché financier régional, via des processus d’appel à l’épargne publique (emprunt obligataire). Et les 600 milliards de F CFA restant qui constituent la partie que les États vont aller chercher sur les marchés internationaux. Le montant total qui sera levé cette année au niveau de la sous-région ( 2 379 milliards de F CFA) est en hausse par rapport à 2013.
La plupart de ces États ont bénéficié de l’initiative PPTE qui a conduit à l’effacement de leur dette, certains experts des institutions internationales craignent qu’ils retombent dans le spiral de la dette. Comprenez-vous cela?
On est conscient de la situation et on a entendu cette inquiétude. Mais il faut dire que l’endettement des États est aujourd’hui sous contrôle. Les pays ne s’endettent plus de manière désordonnée, ils le font dans un cadre institutionnel bien précis. Et tous disposent aujourd’hui de plusieurs outils de suivi et d’un plan de gestion de leurs dettes à moyen terme. Ils ont tous, une analyse de la viabilité de leur dette. Enfin et c’est très important de le souligner, les montants empruntés sont planifiés dans le cadre des budgets nationaux qui sont validés par les assemblées de chaque État de l’Union.
Dans ses prérogatives, votre agence peut-elle empêcher un État de réaliser une levée de fonds ?
Nous avons pour mission de conseiller les États sur le bon moment pour réaliser leurs opérations. Et pour cela, nous sommes en contact permanent avec les marchés. Dès qu’une question devient une préoccupation du marché, automatiquement nous nous devons de relayer l’information aux États. Et de trouver les moyens pour la résoudre. Si un État entre dans un cycle d’endettement qui devient une réelle inquiétude pour le marché, on travaillera avec ses autorités pour voir comment améliorer cela. Notre objectif est d’aider les États à améliorer leur signature et à baisser les coûts de l’endettement.
Justement les États empruntent à des taux variant entre 5 et 7%, ce qui reste assez élevé. Comment baisser les coûts de la dette ?
C’est la chose la plus simple mais aussi la plus difficile à mettre en oeuvre. Il est très important que le processus d’endettement soit transparent, objectif et qu’il réponde aux standards internationaux de gestion de la dette. Plusieurs actions peuvent y contribuer : déjà la publication de ce calendrier qui s’inscrit dans une logique de planification. Et qui dit planification dit aussi prévisibilité et cela permet une gestion plus optimale de la trésorerie. Il y a aussi toutes les mesures que l’on prend afin d’élargir notre base d’investisseurs.
Mais l’amélioration de la signature d’un État, à travers des notations et des publications régulières de données économiques, reste l’élément fondamental. Car quelle que soit la base d’investisseurs, le prix est fixé par rapport au risque attendu. Aujourd’hui les investisseurs ne disposent pas de données fiables et le processus de fixation de prix est plus ou moins confus.
En somme, en plus de votre rôle d’organisation du marché, vous accompagnez les États jusqu’à la réalisation des opérations de levée de fonds. Ne rentrez-vous pas de fait en concurrence avec les banques d’affaires ?
Non, elles conservent leur rôle d’arrangeurs, de conseils etc. Nous, nous situons à côté des États. On n’est pas une partie externe, on est une partie interne des États. Quand vous regardez, l’organisation institutionnelle de l’agence, vous verrez que son Conseil d’orientation est composé du gouverneur de la Banque centrale, du président de la BOAD et des directeurs généraux des Trésors de chaque pays de la zone.
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Quand il y aura une émission obligataire, les banques d’affaires seront certainement là comme arrangeurs, en revanche elles auront désormais des interlocuteurs qui comprennent plus aisément leur discours. Et puis à la différence des banques d’affaires, on est en permanence présent aux côtés des États. On ne part pas après une opération. On n’a qu’un type de clients, ce sont les États de la zone UEMOA et on est présent douze mois sur douze.
En avril, la Côte d’Ivoire va émettre un emprunt (250 milliards de F CFA). Le timing sera-t-il bon d’après vous. Dans un contexte international marquée par la nouvelle politique monétaire de la Fed, aux États-Unis?
D’abord, il faut savoir que la date indiquée est celle du road show, après l’instant précis où on choisit d’aller ou non sur le marché sera vraiment choisi au dernier moment. On va suivre de près les marchés et on va donner nos conseils en temps et en heure à la Côte d’Ivoire. En fait une émission, n’est jamais coulée dans le béton. Par exemple, le Sénégal avait prévu une émission en 2013, le contexte ne s’y est pas prêté, l’opération a été simplement reportée. L’idée, c’est de dire qu’il y a une intention de commencer à travailler dans cette optique là de se préparer et de faire toutes les diligences. C’est vraiment à l’issue de ce processus qu’on décide de l’opportunité d’aller ou pas sur le marché.
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