Algérie : qui est le nouveau recteur de la Grande Mosquée d’Alger nommé par Tebboune ?

Nommé le 10 mars par le président Abdelmadjid Tebboune, Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini est le nouveau visage de l’islam algérien.

Le cheikh Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini. © Arezki Said

Publié le 23 mars 2022 Lecture : 5 minutes.

Situé à une dizaine de kilomètres de la ville de Boussaâda, la « Cité du bonheur » des années 1950, le petit village d’El Hamel est un haut lieu du tourisme religieux. Curieux et pèlerins d’un jour viennent des quatre coins du pays pour visiter sa célèbre zaouïa – l’édifice au centre de la confrérie soufie. Bâtie au sommet d’une colline qui culmine à 780 mètres d’altitude, ses hautes murailles de vieilles pierres lui confèrent des allures de forteresse médiévale.

Mais aucun guerrier almoravide partant à la conquête de l’Andalousie à l’horizon. La zaouïa n’accueille depuis deux siècles que des étudiants désireux d’approfondir leurs connaissances de la langue arabe et des sciences islamiques.

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Fondée en 1863 par le cheikh Mohamed Ben Belgacem, la zaouïa d’El Hamel est aujourd’hui le centre spirituel de la « tariqa Rahmaniya », l’une des plus importantes confréries religieuses du pays. Cet ordre soufi, fondé en 1774, doit son nom à Mhamed Ben Abderrahmane el-Guechtouli, un moine soufi originaire d’un petit village du Djurdjura.

Saint patron d’Alger, il est plus connu sous le nom de Sidi Mhamed Bou Qobrine, l’homme aux deux tombeaux. La zaouïa d’El Hamel est également connue pour avoir été l’une des rares à avoir été dirigée par une femme. Le portrait de Lalla Zeineb, la fille du fondateur, dont elle pris le relais entre 1897 et 1904, est encore aujourd’hui accroché aux murs de la salle qui sert de musée.

Polémiques autour de la Grande Mosquée

En ce jeudi 17 mars, sous un ciel orangé, balayée par un vent de sable qui se dépose en fine couche de poussière sur le sol et les voitures, la zaouïa accueille une foule des grands jours. Des centaines de personnes en burnous ou en kachabia traditionnels vont et viennent à travers l’immense porte en bois massif. Tous se pressent pour voir, embrasser et féliciter le cheikh Mohamed Mamoune El Kacimi El Hassini.

L’enfant d’El Hamel, et descendant direct du fondateur, vient en effet d’être nommé recteur de la Grande Mosquée d’Alger, avec rang de ministre, par le président Abdelmadjid Tebboune. L’édifice, inauguré en novembre 2020, constitue la plus grande mosquée d’Afrique.

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Chantier phare de l’ère Bouteflika, sa construction a suscité de nombreuses polémiques, des retards de livraison à son coût astronomique de 900 millions d’euros en passant par la question du risque sismique en raison du lieu choisi pour son emplacement.

C’est un homme très méticuleux, qui accorde de l’importance au plus petit détail dans tout ce qu’il entreprend

Conformément aux traditions d’hospitalité des lieux, tous les invités sont conviés à partager le repas du midi dans une grande salle. Les fidèles s’attablent autour de grands plats de couscous garnis de viande de mouton. Des dattes et du petit lait agrémentent le dessert, et un thé fleurant bon la menthe et le clou de girofle est servi dans des gobelets en papier dans la grande cour.

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Outre sa propre mosquée et un institut qui lui sont rattachés, la zaouïa accueille près de 70 élèves en régime d’internat. Elle possède plusieurs dépendances, dont un lieu honorant la mémoire des pères fondateurs, et recèle divers manuscrits, ainsi que des documents historiques, comme la lettre de l’émir Abdelkader au fondateur de la zaouïa.

Universitaire et professeur de sciences islamiques, Zouaoui Ahmed El Mahdi connaît bien le cheikh El Mamoun pour l’avoir longuement côtoyé et avoir beaucoup appris de lui. Dans « Haouch el-Karma », la cour du figuier, sur la fameuse pierre où s’asseyait le père fondateur de la zaouïa, Ahmed El Mahdi décrit son cheikh comme un homme de culte éminent et un administrateur hors pair.

« C’est un homme très méticuleux, qui accorde de l’importance au plus petit détail dans tout ce qu’il entreprend ou étudie. C’est également un homme de son temps avec une très grande expérience de l’administration. Son appartenance à cette zaouïa prestigieuse, son ouverture d’esprit, son érudition en matière d’exégèse malikite font de lui le candidat idéal pour ce poste de recteur », affirme-t-il.

Finance islamique

Né le 25 février 1944, c’est à l’âge de 19 ans que Mohamed Mamoune El Kacimi entame une carrière d’enseignant qui va le conduire au poste de recteur du prestigieux Institut El Kacimi, fondé par son frère El Khalil. Il occupera par la suite plusieurs postes à responsabilité et des hautes fonctions au ministère des Affaires religieuses en se distinguant par l’organisation de multiples colloques scientifiques et de conférences internationales.

Il est membre de plusieurs conseils et administrations à l’échelle nationale et internationale, président de la Ligue Rahmaniya des zaouïas scientifiques et membre du Conseil supérieur islamique. « Grand défenseur de la langue arabe, le cheikh est une référence en matière d’exégèse malikite et du rite asharite », ajoute Ahmed El Mahdi.

Théoricien de l’économie et de la finance islamiques, le cheikh est l’un des principaux conseillers de la banque islamique El Baraka.

Le cheikh compte également à son actif divers ouvrages et études axés sur l’exégèse, l’économie et la finance islamiques, l’éducation et la société. Théoricien de l’économie et de la finance islamiques, le cheikh est l’un des principaux conseillers de la banque islamique El Baraka.

De par sa longue expérience à tête de la zaouïa, l’homme a l’habitude de recevoir des milliers de personnes de tout âge et de toute condition, du ministre qui consulte pour une jurisprudence dans un dossier important au modeste paysan venu solliciter une fatwa.

« C’est un homme de consensus, de dialogue, de concertation et d’ouverture », dit encore de lui Ahmed El Mahdi. Sollicité pour une très brève rencontre, le cheikh n’a pas le temps de répondre à des questions sur les responsabilités qui l’attendent à la tête de la Grande Mosquée, mais il accepte, néanmoins, de poser devant l’objectif de Jeune Afrique dans la fameuse cour du Figuier.

L’Algérie, qui a connu une décennie d’aveuglement terroriste tirant sa substance d’idéologies fondamentalistes venues d’ailleurs, avait probablement besoin d’envoyer un signal fort marquant un retour à ses propres sources et références. Celles d’un islam algérien traditionnel, faisant la part belle à la spiritualité et à l’ouverture.

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