Cannes 2014 : Philippe Lacôte, un Ivoirien sur la Croisette
Sélectionné dans la catégorie Un certain regard avec son film « Run », l’Ivoirien Philippe Lacôte évoque la crise qui a agité la Côte d’Ivoire de 2002 à 2011.
Un premier film de fiction et, immédiatement, une première projection en sélection officielle dans la section Un certain regard, à Cannes : difficile d’espérer mieux pour un réalisateur ivoirien peu connu. Philippe Lacôte, jusqu’à la veille de l’annonce de sa présence sur la liste des heureux élus fin avril par l’équipe de Thierry Frémaux, délégué général du festival, n’était pourtant pas très optimiste. Comme son long-métrage Run n’avait pas été retenu par les responsables de la Quinzaine des réalisateurs et de la Semaine de la critique, les principales manifestations dites parallèles sur la Croisette, il craignait fort de devoir attendre une autre échéance pour montrer enfin son oeuvre dans un lieu où l’on peut bénéficier d’une grande visibilité médiatique. À tel point, dit-il, désormais très décontracté bien sûr, qu’il s’était "retiré dans la montagne" pour évacuer la pression.
En plus de son talent, il disposait pourtant d’un atout qui pouvait attirer l’attention à la fois des sélectionneurs cannois et de tous les festivaliers : son film, ancré dans l’histoire contemporaine, est le premier à évoquer la longue crise ivoirienne, "ce cauchemar", dit-il, dont on oublie trop souvent qu’il eut des causes profondes et fit plusieurs milliers de morts. C’est à travers le récit d’une trajectoire individuelle, celle d’un ancien milicien au service de Gbagbo parmi les Jeunes patriotes qui se souvient par flashs de son enfance et de toutes les grandes étapes de sa vie mouvementée, que le spectateur est convié à revisiter le passé récent. Cet antihéros, qui vient de tuer le Premier ministre, est alors en fuite, comme toujours depuis une vingtaine d’années. D’où son surnom, Run… qui pourrait d’ailleurs, il en convient, être aussi celui du cinéaste qui l’a filmé.
Projectionniste dans un salle d’art et essai
Loin de considérer ce qui lui arrive comme une consécration, Philippe Lacôte l’envisage, malgré ses 42 ans et un passé de réalisateur déjà assez long, "comme le début de quelque chose" après un parcours marqué dès l’origine par une sorte de prédestination pour le septième art. Tout petit, à Abidjan, alors que sa famille n’avait pas encore déménagé pour la périphérie dans le quartier populaire de Yopougon, il habitait tout près d’un cinéma, le Magic, où sa mère le déposait régulièrement le temps de faire ses courses. Il ne voyait donc que des morceaux de films, westerns et karatés ou Bollywood, ce qui l’obligeait déjà à "reconstituer des histoires avec son imagination". Plus tard, immigré en France inscrit en maîtrise de linguistique, faute de pouvoir intégrer une école de cinéma, il est projectionniste dans une salle d’art et d’essai pour financer ses études. Ce qui lui permet de rencontrer des cinéphiles et de réaliser bientôt le premier de ses courts-métrages. "J’ai commencé par tourner des films de fiction, explique-t-il, mais ce qui m’a surtout fait connaître, ce sont mes documentaires que j’ai réalisés après avoir été un temps reporter radio."
Parti ainsi en septembre 2002 pour réaliser à Abidjan un film sur un ami d’enfance, il se retrouvera amené à changer tout à coup de sujet puisque éclate alors la rébellion qui va couper le pays en deux. Il en résultera, au bout de cinq ans, un documentaire très personnel, Chroniques de guerre en Côte d’Ivoire. Et une légitimité sur le sujet qui lui permettra de trouver, à partir de 2012, de quoi financer Run – avec parmi les producteurs, Lacôte en est fier, à la fois des Ivoiriens et des Burkinabè. Et d’attirer dans son casting une star africaine comme son compatriote, installé désormais aux États-Unis, Isaac de Bankolé.
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