Sénégal : les élections à Touba, à 100 % masculin

Aux élections locales du 29 juin, la ville présentera une liste uniquement composée d’hommes. Et la loi sur la parité, dans tout ça ?

Devant la grande mosquée, qui réunit chaque année plus de 3,5 millions de mourides. © DR

Devant la grande mosquée, qui réunit chaque année plus de 3,5 millions de mourides. © DR

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Publié le 22 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

"Cette ville est fondée sur les principes de l’islam, et jusqu’à la fin du monde elle le sera." Pour Cheikh Sidi Makhtar Mbacké, le khalife général des mourides, il ne peut y avoir qu’une loi à Touba : celle du Coran. Fondée par le guide religieux Cheikh Ahmadou Bamba en 1887, la cité est la ville sainte de la confrérie la plus puissante du Sénégal, celle des mourides. Voilà pourquoi l’héritier de "Serigne Touba" se flatte d’avoir personnellement composé, en vue des élections locales du 29 juin, une liste communale unique composée exclusivement d’hommes, au mépris de la loi du 28 mai 2010 instituant la parité hommes-femmes dans les institutions électives.

Comment justifier que des listes aient été invalidées ailleurs ?

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Certes, Touba bénéficie d’un statut spécial – entre autres singularités, la ville dispose d’une gendarmerie et d’une police spéciales, la douane n’a pas le droit de s’y aventurer, et il y est interdit de boire de l’alcool, de fumer ou de porter une tenue indécente. Mais cet épisode improvisé porte en germe de possibles dérives.

En validant la liste "illégale" au titre du fait du prince, Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre de l’Intérieur, a en effet créé un dangereux précédent en pleine période préélectorale. Car en l’absence de la moindre disposition officielle prévoyant des exceptions à la loi de 2010, comment justifier que des listes aient été invalidées ailleurs pour non-respect de diverses prescriptions légales alors que celle de la commune de Touba Mosquée était entérinée ?

Et si demain, comme l’a souhaité en 2012 le président Macky Sall, un statut dérogatoire pour la ville de Touba venait régulariser le statut d’exception qui s’y applique de fait, cela ne consisterait-il pas à ouvrir la boîte de Pandore, incitant d’autres confréries – Tivaouane, la ville sainte des tidjanes, ne bénéficie pas de dérogations comparables -, voire des communautés ethniques ou géographiques – la Casamance, par exemple -, à revendiquer leurs propres passe-droits ?

L’enjeu ultime de ce débat, c’est la menace que fait peser sur le caractère républicain et laïque de l’État sénégalais l’influence considérable des confréries.

L’enjeu ultime de ce débat, c’est la menace que fait peser sur le caractère républicain et laïque de l’État sénégalais l’influence considérable des confréries, et ce jusqu’aux institutions de la capitale. À la veille de l’élection présidentielle de 2012, Cheikh Béthio Thioune, un guide religieux mouride, avait ainsi appelé ses nombreux fidèles à voter pour le candidat Abdoulaye Wade.

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Plus récemment, alors que le patron de presse Sidy Lamine Niasse (groupe Walfadjri) avait été placé en garde à vue pour "atteinte à la sûreté de l’État et outrage au chef de l’État", le khalife général de la confrérie niassène avait lancé un appel à la radio pour qu’il ne soit pas incarcéré comme le réclamait le parquet. Dans la foulée, le doyen des juges avait accordé à Niasse la liberté provisoire.

Au Sénégal, le principal problème posé par les confréries, ce n’est pas que leurs lieux saints obtiennent un statut partiellement dérogatoire, mais bien qu’elles finissent par constituer un véritable État dans l’État.

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