Des blatèrements dans le Brabant

Fouad Laroui © DR

Publié le 16 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

Des blatèrements dans le Brabant Aujourd’hui on va parler de chameaux, ou plutôt de dromadaires. Mais bon, peu importe que la bête ait une ou deux bosses, il s’agit surtout de constater que l’esprit d’entreprise et l’opiniâtreté font des miracles. Ça commence comme ça : je découvre, au hasard d’une promenade, que c’est à Berlicum, dans le Brabant, que se trouve la plus grande ferme de camélidés d’Europe. Étonnant, non ? Que font ces bêtes placides qu’on s’attendrait à dénicher au détour d’une dune – heureuse euphonie -, au détour d’une dune donc – dung dung dong, on va demander à la contrebasse d’accompagner cette chronique -, bref, qu’on s’attendrait à rencontrer au détour d’une dune dans le désert ?

Eh bien, tout part de la situation suivante, assez surréaliste : un paysan brabançon lit un rapport de la FAO… Oui, je sais, un moujik qui lit un rapport de la FAO, ça a l’air d’une blague ; mais on est aux Pays-Bas, la plupart des paysans possèdent une maîtrise en agronomie. Donc : un paysan brabançon lit dans un rapport de la FAO que le lait de chamelle contient plus de fer et trois fois plus de vitamine C que le lait de vache. En outre, il est meilleur pour les diabétiques.

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Notre héros – vous ai-je dit qu’il s’appelait Smits ? – décide sur-le-champ (c’est le cas de le dire) de se lancer dans l’élevage de chameaux. Premier problème : les lois absconses de l’Union européenne interdisent l’importation de chameaux extracommunautaires. Un autre aurait jeté l’éponge : pas Smits. S’armant d’une mappemonde, il remarque que les îles Canaries font partie de l’Europe. Hé hé… Il saute dans un avion et le voici bientôt dans ces îles fortunées à la recherche de chameaux aryens. Il en rapporte trois, un mâle et deux femelles, loue un pré à la mairie et commence à engraisser le trio. Lorsqu’il cherche à vendre les premiers litres de son or blanc, l’inspection sanitaire lui objecte que le lait de chameau n’est pas sur la liste des produits autorisés à la vente. Plus d’un aurait abandonné l’aventure. Smits fait le siège du ministère idoine jusqu’à obtenir qu’on ajoute le kameel-melk sur la liste. Puis il monte un marketing d’enfer qui persuade la foule d’acheter le produit miracle. Il le vend 6 euros le litre, soit six fois plus cher que le lait de vache, et pourtant ça marche ! Il en vend aujourd’hui 300 000 litres par an, il s’est acheté une ferme pour abriter son troupeau sans cesse en augmentation et il gagne suffisamment d’argent pour se permettre d’aller chaque année observer la concurrence aux Émirats et en Somalie. Comme les éleveurs de ces pays n’auraient jamais l’idée de venir dans les polders espionner Smits, il garde un avantage sur eux.

Maintenant, je pose avec tristesse cette question : nous, au Maghreb, nous connaissons parfaitement le chameau ; nous l’avons pratiquement inventé ; alors, comment se fait-il que nous n’ayons pas de success-story à la Smits ? Le gars exporte son lait aux États-Unis, en Australie, partout, et nous, on n’arrive même pas à l’exporter dans la ville la plus proche. Pourquoi ? Qui pourra m’apporter la réponse aura droit à un litre de lait de chamelle, plein de fer et de vitamine C.

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