Mode : qui sont les créateurs de tendances au Cameroun ?
Faute d’une organisation efficace de sa filière textile, le Cameroun importe encore massivement ses vêtements. Pourtant, sur place, les stylistes de talent ne manquent pas.
Tissus de première qualité, créateurs talentueux, émergence d’une classe moyenne encline à la consommation : le Cameroun semble avoir toutes les cartes en main pour faire décoller son industrie de la mode. Pourtant, d’après les chiffres officiels, à peine 1 % du segment de l’habillement et de la confection est contrôlé par des opérateurs locaux. La quasi-totalité du marché demeure la chasse gardée des importateurs de vêtements neufs ou de seconde main en provenance d’Europe et de Chine.
Pour Jean-Philippe Azegue, maître tailleur et président de l’Interprofession coton-textile-confection (Icotec) pour les régions Centre, Sud et Est, la production locale à grande échelle est freinée par "le dialogue de sourds entre l’État et les professionnels". Quand le premier envisage de nouvelles unités de production, les seconds plaident pour un renforcement des outils existants.
Mais, plus que ce défaut de structuration, c’est le manque de formation qui plombe la filière. Les métiers de la mode apparaissent comme des voies de garage pour des jeunes en échec scolaire. Et si des centres de formation, ouverts par les stylistes eux-mêmes, commencent à se multiplier, attirant de plus en plus d’étudiants motivés, la qualité des programmes pèche encore. "Avant de pouvoir enseigner, les formateurs doivent d’abord… se former, fait remarquer Azegue. Aujourd’hui, tous les stylistes camerounais réunis seraient incapables de satisfaire la consommation locale. Car comment produire en grande quantité des produits de bonne qualité, tout en demeurant compétitif, si l’on ne dispose pas des compétences requises ?"
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Alors que les subventions de l’État se font attendre, l’Icotec expérimente la mise en place d’une chaîne de production de 100 chemises made in Cameroon par jour à Yaoundé. Une vingtaine d’ateliers ont été réquisitionnés, chacun assigné à une tâche spécifique (coupe, manches, cols, boutonnières…). Destinés au marché local, ces vêtements pourraient ensuite être livrés dans la sous-région. À condition d’améliorer la qualité du tissu fabriqué sur place par la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), pour faire face à la concurrence chinoise, tout en conservant des coûts relativement bas.
Pour l’heure, dans le pays, l’industrie de la mode reste donc embryonnaire. Pas seulement à cause de l’État. "Les professionnels ont aussi leur part de responsabilité : ils sont incapables de travailler en équipe", déplore Azegue. Malgré l’existence de l’Icotec et de la Fédération camerounaise de la couture et du prêt-à-porter (Feccap), une volonté commune de trouver des solutions peine en effet à émerger. Une styliste évoque les différends entre générations, ainsi qu’un problème d’ego : "Même le plus dilettante veut organiser sa propre fashion week. Or, ces défilés de mode ne sont que des vitrines qui doivent précéder l’acte commercial."
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