Claude Juimo Siewe Monthé : des affaires à la politique

Tout juste élu député sur une liste du parti au pouvoir, l’industriel camerounais Claude Juimo Siewe Monthé n’en oublie pas pour autant le groupe familial.

Né en 1961 à Douala, Claude Juimo Siewe Monthé est devenu président du groupe en 1987. © Fernand Kuissu

Né en 1961 à Douala, Claude Juimo Siewe Monthé est devenu président du groupe en 1987. © Fernand Kuissu

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Publié le 21 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

Il avait pris ses amis de court en annonçant sa candidature aux législatives du 30 septembre. Une surprise d’autant plus grande qu’il a conduit au succès la liste du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), au pouvoir, dans le Haut-Nkam, son département d’origine. Depuis son départ, en 2008, de la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat du Cameroun, Claude Juimo Siewe Monthé, président du groupe du même nom – l’un des plus grands acteurs privés du pays -, signe ainsi son retour sous le feu des projecteurs. Fils aîné de Luc Monthé, l’ancien premier adjoint au maire de Douala, cet industriel de 52 ans a longtemps préparé son entrée en politique.

Militant actif du RDPC, il a été élu membre du comité central du parti de Paul Biya en 2011. Mais « il a toujours mené son action politique sans tintamarre à Douala et dans le Haut-Nkam », soutient l’un de ses proches. Car ce prince bana, discret, se tient à distance des médias. À leur égard, il suit la devise de Buckingham Palace : Never complain, never explain (« ne jamais se plaindre, ne jamais s’expliquer »), précise son entourage. Une attitude qu’il avait adoptée en 2006, lorsqu’une campagne médiatique avait largement fait état de sa présumée implication dans la défenestration d’un étudiant au Hilton de Yaoundé. Il s’avéra par la suite qu’il n’était nullement concerné par cette affaire.

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Désormais membre de la Commission des affaires économiques, de la programmation et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, ce patron à l’apparence extrêmement soignée (crâne toujours bien rasé et barbe impeccablement taillée) veille à éviter les conflits d’intérêts. En juin 2012, il a ainsi décidé de ne pas demander le renouvellement de son mandat d’administrateur au sein du groupe Bolloré et a quitté la présidence du conseil d’administration de la Société camerounaise de palmeraies (Socapalm), le premier producteur d’huile de palme du pays (80 000 tonnes en 2013), dont sa famille est actionnaire.

Margarine

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Et s’il a conservé la présidence du groupe familial malgré son élection, c’est Emmanuel Monthé Siewe, son frère, secondé par Gisèle Monthé Noutong, sa soeur, qui en assure la direction. D’après ses proches, le trio développe la Société palmeraies-raffineries (Palmraff), un complexe industriel spécialisé dans la transformation de corps gras – en aval de la filière palmier à huile – et situé dans la banlieue ouest de Douala. Cet investissement d’une vingtaine de milliards de francs CFA (environ 30,5 millions d’euros) verra se déployer une demi-douzaine de métiers, du raffinage de l’huile à la fabrication de la margarine et du savon, en passant par la trituration des noix de palme.

Ce projet illustre sa démarche industrielle, en rupture avec le modèle cher à la première génération d’entrepreneurs camerounais. Alors que ces derniers axaient la croissance de leurs activités sur la diversification sectorielle essentiellement, « il estime, lui, qu’il faut d’abord atteindre une taille critique dans le secteur où l’on opère pour essayer ensuite de dérouler toute la chaîne de valeur en développant une connaissance approfondie de la filière, notamment [celle] des technologies employées », note l’un de ses collaborateurs.

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Formé au Canada et en France – où il a bénéficié du tutorat de Jacques Lacombe, un Français qui a aidé les négociants Luc Monthé et Victor Fotso à faire le saut dans l’industrie dans les années 1970 -, il reprend les rênes du groupe familial en 1987. Il entreprend alors sa restructuration en fermant Sicaf, l’unité de fabrication de couvertures et couvre-lits, dans une filière textile confrontée à la concurrence asiatique, et en donnant un second souffle à Prodicam (cubes de bouillon Honig) et à l’hôtel Parfait Garden à Douala, tout en explorant des créneaux porteurs.

Stratège

Un pari qui porte aujourd’hui ses fruits. En dehors de l’agrobusiness (Socapalm, Palmraff et Prodicam), il est présent dans l’hôtellerie (le Parfait Garden est en cours de rénovation), et dans l’immobilier au Cameroun et à l’étranger (Konte). Le groupe possède aussi deux entreprises spécialisées dans les prises de participations : la Société financière et commerciale (SFC) et la Société financière d’arbitrage (SFA). La première, qui accompagne les jeunes entrepreneurs, a été utilisée en 2000 pour créer une association avec Bolloré afin d’entrer au capital de la Socapalm, alors en cours de privatisation. La seconde s’oriente vers le secteur financier, avec une présence dans le tour de table de BGFI Bank Cameroun.

Si le groupe ne communique guère ses chiffres, Célestin Bedzigui, un ami de la famille qui dirige l’agence de notation Global Ratings Services à New York, assure que « Juimo a remis sur pied le groupe Monthé, qui a connu un passage difficile lorsque son père est décédé, en 1986 ». « C’est un stratège qui a une très grande capacité de vision à long terme », ajoute-t-il.

Poids lourds

Mais l’une des principales forces de ce quinquagénaire réside dans son carnet d’adresses. Lors de ses passages à Paris, il rencontre régulièrement Vincent Bolloré. Au conseil d’administration du groupe de ce dernier, il a côtoyé quelques poids lourds du milieu parisien des affaires tels que Denis Kessler (le patron du réassureur français Scor), Jean-Paul Parayre (ancien président de Peugeot), Georges Pébereau, Hubert Fabri, ou encore feu le banquier Antoine Bernheim. Il est également très proche de Jean-Louis Billon, qui, comme lui, présida la Chambre de commerce de son pays, la Côte d’Ivoire, avant d’assumer des responsabilités gouvernementales (il est actuellement ministre du Commerce).

Parmi ses amis, Juimo Monthé compte Thierry Tanoh, l’actuel directeur général d’Ecobank, Paulo Gomes, le PDG de Constelor candidat à la présidentielle bissau-guinéenne, ou Didier Acouetey, président du cabinet international de recrutement Africsearch. D’ailleurs, il travaille avec ces derniers au lancement d’un think tank ambitionnant de rapprocher l’Afrique de l’Asie du Sud-Est, une région où il se rend fréquemment pour ses affaires.

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