Mondial 2014 au Brésil : vite, un cache-sexe !

Lors du Mondial, le pays s’apprête à accueillir 600 000 touristes. Presque tous sont mus par l’amour du foot. Mais d’autres, par des passions bien moins avouables.

De jeunes prostituées brésiliennes. © VANDERLEI ALMEIDA / AFP

De jeunes prostituées brésiliennes. © VANDERLEI ALMEIDA / AFP

Publié le 19 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Impossible d’y échapper. De Rio à São Paulo en passant par Salvador de Bahia, sur des affiches géantes, Kaka, la star brésilienne du football, serine un message sans équivoque : "L’exploitation sexuelle des enfants est un crime." Cette grande campagne de sensibilisation lancée à un mois du Mondial témoigne d’un mal qui gangrène le pays. Comme la Thaïlande, le Brésil fait aujourd’hui partie des destinations où le tourisme sexuel prend des proportions alarmantes. En 2011, selon les chiffres de la police fédérale, 250 000 enfants se prostituaient. Pour les associations de protection de l’enfance, l’inquiétude va croissant à l’approche de la Coupe du monde. Comment contenir ce tourisme indésirable alors que le pays s’apprête à recevoir 600 000 visiteurs et que 3 millions de Brésiliens devraient eux aussi se déplacer à travers le pays ?

Certains lieux sont plus sensibles que d’autres. Comme le Nordeste, la région la plus pauvre, dont les plages paradisiaques et un climat éternellement ensoleillé attirent des hordes de touristes. Parfois pour le pire… Suzana, 17 ans, voix grave et visage émacié, a vite compris que ces étrangers pouvaient être une source d’argent. Maltraitée par sa mère, elle se retrouve à la rue à 10 ans et commence à se prostituer. "Un jour, mes copines m’ont dit : "Viens, ça va être sympa." On est allées sur la plage de Ponta Negra, parce qu’il y a beaucoup de touristes. On les attendait, ils venaient en voiture et on partait avec eux." Pour trois euros ou parfois un simple repas, Suzana vendra son corps pendant près de sept ans.

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Un passé douloureux que la jeune femme accepte d’évoquer pour montrer à d’autres qu’il n’y a pas de fatalité et que l’on peut "s’en sortir". Aujourd’hui, Suzana a tourné la page et suit une formation dans l’hôtellerie, dans le cadre du projet ViraVida ("Change de vie"). Un programme financé par des entreprises privées, qui vient en aide aux prostitués âgés de 16 à 21 ans en leur dispensant une formation professionnelle et en entamant un travail de reconstruction psychologique. "Ces enfants sont souvent issus de milieux très défavorisés. Leur niveau scolaire est très faible et, surtout, ils ont été rejetés par leurs parents. On a notamment recours à des thérapies de groupe pour tenter de leur redonner de l’estime de soi", explique Gilson Costa, le coordinateur du programme.

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Toutes les Brésiliennes "chaudes comme la braise"

Selon Ana Paula Felizardo, fondatrice de l’ONG Resposta, ces enfants sacrifiés seraient en partie victimes d’une image négative du Brésil, que ce dernier aurait lui-même contribué à véhiculer. Les publicités officielles des années 1980 et 1990, exhibant le corps de sculpturales Brésiliennes, auraient favorisé une vision dégradante du pays et de ses habitantes. "La samba, le foot, des métisses sexy suggérant que nous autres, Brésiliennes, sommes toutes chaudes comme de la braise… C’est le fantasme que le Brésil a voulu construire."

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Une image que le pouvoir s’emploie désormais à casser, y compris par la voie législative. Depuis 2009, l’exposition et la vente de cartes postales représentant des femmes dénudées est interdite. Mais les clichés ont la vie dure. Ainsi, Adidas a cru pouvoir doper ses ventes sur le marché américain en distribuant deux tee-shirts au goût douteux. Le premier, orné du slogan "I love Brazil", était assorti d’une paire de fesses en string ; le second montrait une jeune femme en bikini, ballon à la main, avec une inscription à double sens, "Looking to score" : "envie de marquer un but" ou, plus crûment, "envie de conclure".

La réaction des autorités brésiliennes ne s’est pas fait attendre. Eleonora Menicucci, la ministre de la Condition féminine, a tancé un "manque de respect" de l’équipementier allemand. De son côté, Dilma Rousseff, la présidente, a réagi sur son compte Twitter. Sans citer Adidas, elle a annoncé que le Brésil se réjouissait d’accueillir les touristes du monde entier mais que son pays était également prêt à lutter contre le tourisme sexuel.

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