Start-up : les champions africains à l’ère de la consolidation

Une vingtaine de jeunes pousses du continent ont atteint le stade d’une troisième levée de fonds. Pour maintenir leur rythme de croissance, les fusions-acquisitions représentent une option de choix.

Wasoko, anciennement Sokowatch. © Wasoko.

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Publié le 12 avril 2022 Lecture : 4 minutes.

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Exclusif JA – Tech 2022 : les 50 champions d’un secteur en pleine expansion

Pour la deuxième année consécutive, Jeune Afrique et The Africa Report (TAR) publient en exclusivité un classement des 50 personnalités aux avant-postes de la transformation numérique du continent.

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Dopée par les fonds étrangers, la tech africaine a levé en 2021 plus de 5 milliards de dollars. Sur le continent, on compte désormais une vingtaine d’entreprises ayant déjà réalisé leur troisième levée de fond (dont douze au cours des deux dernières années), appelée séries C, et capables de conclure des mouvements stratégiques de taille, qu’il s’agisse de fusion ou d’acquisition. Elles évoluent principalement dans les fintech (Flutterwave, Chipper ou Jumo), les transport et livraison (SWVL ou Elmenus), la santé (mPharma), l’e-commerce (Copia Global) ou la formation (Andela et Spark Schools). 

« À ce niveau, les entreprises n’ont que deux solutions pour créer de la croissance : développer des nouveaux produits ou ouvrir de nouveaux marchés », expose Johanna Monthé, avocate camerounaise au sein du cabinet Epena, spécialisée dans les fusions et acquisitions dans le secteur de la tech en Afrique de l’Ouest.  

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Après avoir levé 250 millions de dollars en série D en février, Flutterwave a choisi de jouer sur les deux tableaux. Fin février, la fintech a annoncé par la voix de son patron, Olugbenga Agboola, de nouveaux services et l’arrivée de la plateforme de paiement dans de nouveaux pays, comme la Tanzanie, réputée pour sa complexité réglementaire.  « Consolider permet d’acquérir rapidement des utilisateurs et des parts de marché, de récupérer une base de données existante tout en gagnant en rentabilité grâce à des économies d’échelles », résume Chiheb Ghazouani, avocat et fondateur du cabinet CAG, installé à Tunis.

Pallier les problèmes de recrutement

Mais pour racheter, encore faut-il trouver l’élu. « Plus que la solution développée, qui passe souvent au second plan, c’est surtout l’équipe qui est scrutée en détail, car le recrutement est le grand problème des start-up », reconnaît Johanna Monthé. Fin 2021, Flutterwave s’est ainsi offert les services de Disha, en rachetant la place de marché nigériane pour un montant à six chiffres. Au passage, la fintech valorisée à trois milliards de dollars a aussi raflé une base de données de 20 000 utilisateurs supplémentaires.

La scène tech africaine est donc définitivement entrée dans l’ère des consolidations et de la constitution de futurs champions régionaux, largement financés par des mastodontes comme SoftBank ou Tiger Global qui injectent des tickets à plusieurs dizaines de millions de dollars.

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Consolidations précoces

Poussées par ces actionnaires géants, certaines startups tentent l’aventure avant même la série C, à l’image de l’égyptien MaxAB, spécialisé dans l’e-commerce pour les professionnels, qui vient d’avaler son concurrent marocain Waystocap. C’est aussi le cas du logisticien Wasoko (ex-Sokowatch), créé pour servir les petits épiciers et qui revendique 50 000 clients. Pour sa deuxième levée de fonds, conclue mi-mars 2022, il a presque décuplé le montant collecté il y a deux ans, lorsque l’entreprise bouclait un premier tour de table de 14 millions de dollars.

Ces projets sont désormais intégrés très tôt dans la majorité des business plan des start-up africaines

Basé à Kigali, Wasoko dispose, cette fois-ci, de 125 millions de dollars pour se lancer en Côte d’Ivoire et au Sénégal, et profite ainsi de l’engouement croissant des investisseurs étrangers pour la tech africaine.  Valorisée 625 millions de dollars, l’entreprise a réalisé 300 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier. Elle envisage à présent d’entrer, au travers d’acquisitions, sur les marchés nigérians et sud-africains, réputés exigeants.

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Ces projets sont désormais intégrés très tôt dans la majorité des business plan des start-up africaines, même si toute l’Afrique ne fonctionne pas au même rythme, estime Johanna Monthé. « La totalité de mes clients anglophones [en Égypte, en Afrique du Sud et au Nigeria] consolident, à la différence des francophones, moins bien financés et qui se placent donc plutôt dans l’optique de croitre suffisamment afin de susciter l’intérêt de potentiels acquéreurs », explique-t-elle. « On parle souvent des transactions dans la logistique, l’assurance et la fintech mais en réalité cela se passe dans tous les domaines », pointe l’experte qui a notamment conseillé la plateforme d’e-commerce TradeDepot lorsque celle-ci a racheté Green Lion au Ghana en février. 

Des investisseurs moins regardants

Cette course effrénée à la croissance ultra rapide peut-elle mener à une bulle spéculative ? Difficile à dire, estime Johanna Monthé. Une chose est sûre, les investisseurs vivent désormais dans « la peur de rater l’opportunité » et sont parfois moins regardants quant à la gouvernance des start-up. La mésaventure de l’application de paiement Dash illustre bien cette problématique. Deux semaines seulement après une levée de fonds d’amorçage record de 32,8 millions de dollars, la jeune pousse a dû fermer boutique à la demande de la Banque centrale ghanéenne, parce qu’elle opérait depuis plus de deux ans sans licence. 

Prince Boakye Boampong, son fondateur multi-entrepreneur, passé par Y Combinator avec une précédente start-up, avait séduit des investisseurs prestigieux comme Insight Partners, qui compte dans son portefeuille des grands noms comme Twitter, Tumblr ou encore la plateforme d’e-commerce Shopify et la licorne française Qonto.

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